Voilà un beau portrait, celui, on l’aura reconnu, de de Lattre : (enfin, il me semble ?!!)
« 11 avril 1944
Arrivé juste à temps pour subir l’inspection du général X… qui, suivi de Brosset, passe entre nos rangs. Il y a en lui du vieil acteur et du cardinal, et dans l’effusion qu’il nous prodigue en nous serrant la main, je sens la bénédiction du prélat et le « merci » épuisé du comédien qui sort de scène
Nous nous groupons en rond autour de lui. Grand, droit, une canne à la main, un cigare dans l’autre, avec des temps habiles, une simplicité consciente, le geste rare et inspiré, la voix basse pour mieux forcer l’attention, le regard tantôt perdu, tantôt posé sur l’un ou l’autre, le général X…nous confirme, d’un ton de visionnaire, notre départ pour l’Italie
-je ne vous dis pas adieu, murmure-t-il, ému, je vous dis au revoir.
Nous nous apprêtons à l’applaudir, mais ce n’est pas fini :
-ne croyez pas que vous allez servir sur une voie de garage ; vous allez participer à des opérations (un temps…regard perdu…) nécessaires, et qui relèveront notre prestige, mais vous irez en France, chère division Brosset, je vous le promets. Qu’une si glorieuse unité soit privée de l’honneur de débarquer en France serait une injustice dont le général de Gaulle, notre chef à tous, ne se rendra pas coupable. Quand à moi, mes amis, je ne vous dis pas adieu, je vous dis au revoir.
Est-ce fini ? Quelques garde-à-vous s ‘ébauchent. Non, c’est une autre pause savante.
-je vous vois partir avec émotion et envie, chère division Brosset. Il me faut, hélas, continuer à servir (un temps…regard perdu…) de mon petit coin ; mais de ce petit coin ou le devoir me retient, je veillerai à ce que soit réalisé ce que je vous promets aujourd’hui : votre participation à la nouvelle bataille de France
cette fois c’est fini. Nous saluons et nous nous dispersons. Du geste dont Cyrano fait lentement l’abandon du grand manteau qui le calfeutre, le général X… ayant terminé la ballade des « je vous dis au revoir », secoue, d’un doigt de visionnaire, la cendre de son cigare. »
Cordialement
Laurent |