Collaborateur et lecteur assidu d'Histoire de Guerre, j'ai lu avec intérêt l'article de M.Ehrhardt sur l'engagement de la Luftwaffe en Afrique et apprécié son analyse globale. Comme il le dit avec raison, il est difficile de traiter l'ensemble du sujet de façon exhaustive: un article reste forcément limité (ce qui fait enrager les auteurs!). Le point de vue italien est rarement mis en valeur du fait quasi exclusif du manque d'accessibilité aux sources et aux ouvrages italiens chez nous, puisque nous avons heureusement dépassé, depuis peu de temps il est vrai, le simple mépris de ces derniers. Comme le souligne parfaitement M. Ehrhardt, l'incohérence italienne a été flagrante dans sa politique d'une guerre parallèle en Afrique et d'un partage des sphères d'influence, sorte de traité de Tordésillas à la "sauce" germano-italienne. Les généraux italiens, pourtant décriés mais, dans le fond, pas franchement plus mauvais, en moyenne, que bien d'autres, avaient probablement moins de liberté de manoeuvre face au Duce que leurs homologues allemands face au Führer. Le terme d'"incapables" utilisé par l'auteur est, selon ma propre lecture mais je pense qu'elle reflète l'idée générale, en rapport avec l'impossibilité de l'Italie de rejoindre les objectifs qu'elle s'était fixés, pour des raisons essentielles: insuffisance de l'industrie de guerre, pénurie totale de matières premières, refonte maladroite de l'armée (divisions binaires et "motorisées à pied"), lobbying des firmes (Fiat, Caproni,...) éparpillant les commandes sur des dizaines de modèles, pas tous compétitifs, construits à quelques centaines d'exemplaires tout au mieux, et peur d'utiliser les "beaux joujous" du régime, sous peine de se voir offrir un séjour dans les "sibéries de feu" en cas de défaite. Ajoutons à cela un complexe d'infériorité face aux Allemands et aux Anglais, plus un soupçon d'inimitiés entre fascistes et royalistes, ... la cata était consommée (cf l'assaut désinvolte contre la Grèce). En revanche, s'il est vrai que les Italiens donnèrent trop facilement la garantie d'un ravitaillement en flux tendu, ce serait faire une erreur historique grave (il est vrai que les mémoires de Rommel ont conditionné les esprits à ce sujet)de croire que ce dernier ne fut pas assuré à hauteur de 70% en moyenne sur les trois ans. L'extension des voies de communications avait été en partie dûe au veto d'Hitler sur la mainmise italienne sur la Tunisie dès juillet 1940, afin de raccourcir le trajet des cargos partis de Naples ou de Catane.
Au moment où l'Afrikakorps confortait ses premiers succès, Mussolini ne trouvait rien de mieux que d'envoyer de bonnes divisions et un corps aérien en URSS (juillet 1941): autre incohérence (comme celle d'envoyer le CAI dans la bataille d'Angleterre, basé non pas dans le Nord de la France mais en Belgique). Il faut aussi noter que l'activité aérienne allemande baissa fortement, notamment sur Malte, au moment où tous les efforts étaient tournés vers la Russie, la Regia Aeronautica prenant le relais: je ne compte plus les témoignages de pilotes britannques rendant compte des "soucis" que leurs causaient les pilotes italiens, de chasse et de bombardement. Enfin, dans le domaine aéronaval, le manque de coordination et la "compétition" enre Regia Marina et Regia Aeronautica (renforcée par l'absence de radars, causant un désastre comme celui de Matapan -lire l'excellent article de M. Toussaint dans un des derniers HDG-) était un handicap bien plus important encore que la présence de la Mediterranean Fleet. Comme vous le dites, M. Ehrhardt, le point de vue italien serait intéressant à mettre en parallèle; je me propose de le faire dans un avenir proche, emploi du temps le premettant, si vous le voulez bien.
Amicalement
DZ