Bonsoir,
Merci Etienne de mettre en lumière des figures de l'ombre aux qualités exceptionnelles, des hommes comme Cavaillès, philosophe et mathématicien et indirectement Canguilhem, philosophe et historien des sciences.
Raymond Aron disait de Georges Canguilhem :
*** (...) Une solide amitié nous unissait, différente de celle qui me liait au groupe Nizan-Sartre, mais non moins solide. Lui avait reçu à Henri-IV l'enseignement d'Alain et il en partageait à l'époque les convictions, en particulier le pacifisme. Par lui, je me rapprochai des élèves d'Alain, marqués par leur maître plus que les autres élèves de l'École par les leurs. Nous nous retrouvâmes à Toulouse, en 1939, et il entoura ma femme, seule en mon absence, d'une gentillesse, d'une affection typiques de sa nature profonde que dissimula souvent la rudesse de l'inspecteur général. Nous nous retrouvâmes de nouveau à la Sorbonne en 1955 ; parfois il terrifia les étudiants, mais il fut toujours respecté par eux. Docteur en médecine, historien de la pensée médicale et biologique, il a travaillé, enseigné, écrit (tous ses cours étaient rédigés) beaucoup plus que ses publications ne le suggèrent. Aussi bien les vrais lecteurs ne se laissent pas abuser par sa modestie: ils le placent à son rang, au niveau qu'il mérite. Je n'en dis pas davantage: il se fâcherait si je me risquais à un portrait littéraire, peu en accord avec un demi-siècle d'amitié. ***
Raymond Aron et Georges Canghuilhem enseignaient tous deux à Toulouse. Lorsqu'éclate la guerre, Aron est mobilisé dans une unité de transmissions où il s'ennuie à ne rien faire. Il tente vainement, par l'intermédiaire de Jean Cavaillès, de se faire engager dans une compagnie de chars. La débâcle étant consommée, Aron rejoint les siens à Toulouse. "A froid, dit-il, mes amis de Toulouse, ceux qui, pour une raison ou une autre, n'étaient pas sous les drapeaux, avaient déjà pris position: contre le Maréchal, pour le Général dont ils avaient entendu l'appel. Certains d'entre eux, comme mon ami Georges Canguilhem, s'apprêtaient déjà à prendre modestement une part - qui fut glorieuse - à la Résistance. ***
On sait que Raymond Aron gagnera l'Angleterre pour s'engager dans la Compagnie des Chars de la France Libre ... avant d'être débauché par Labarthe et rejoindre l'équipe de rédacteurs du journal "La France libre".
Bien cordialement,
Francis. |