Bonjour,
Je trouve qu'il est tout de même difficile de traiter sur le même plan un militant nazi déclassé socialement et revanchard - futur tueur en chef - comme Heydrich qui a adhéré au NSDAP par conviction, mû par des pulsions qu'un bon psy pourrait éventuellement cerner et des créateurs et chercheurs de premier plan ayant un passé conséquent, une culture, des références humanistes et surtout une œuvre dans laquelle on ne discerne pas à priori d'éléments pouvant préfigurer leur adhésion, leur complaisance ou leur silence futurs.
Dans le cas de Gottfried Benn, ses poèmes le rattachent au symbolisme, un symbolisme qui aurait été percuté par les formes expressionnistes des années 10-20. C'est un médecin, un urologue qui a été incorporé dans les services sanitaires durant la Grande guerre. Mais là aussi, tous les créateurs marqués par la boucherie de 14-18 et par la désagrégation morale qui accompagna les crises économiques et politiques de la société allemande sous Weimar ne sont pas devenus des sympathisants nazis. Chez Benn, j'ai senti comme un fatalisme... Ce qui ne le disculpe pas. (Sa correspondance et ses articles avec des exilés comme T. Mann sont intéressants.) Si une noirceur indéniable et des pointes nihilistes transparaîssent dans ses textes, là encore, il ne fut pas le seul écrivain à se faire le haut-parleur angoissé de la culture allemande de l'entre-deux guerres et d'autres ont compris très tôt la nature de l'hitlérisme. Il y a chez Benn comme un patriotisme essoufflé et fataliste qui le pousse à accepter l'ordre nouveau plebiscité par le peuple allemand.
Quant à R. Heydrich, je le vois plus comme un serial killer à qui on a donné les moyens de satisfaire ses pulsions meurtrières sur une échelle continentale. Mais c'est un peu réducteur...
Bien cordialement,
RC |