Bonsoir,
La remarquable biographie de Barbara Lambauer balaie définitivement l'image du Otto Abetz modéré que des écrivains et des politiciens compromis dans la collaboration ont voulu présenter après guerre.
Dès son arrivée à Paris dans les roues de la Wehrmacht, alors qu'il n'a encore ni statut précis dans ses rapports avec les autorités militaires, ni fonction politique définie, il va se signaler par un antisémitisme virulent et un discours néo-ouvriériste démagogique fidèle en cela à son führer.
Barbara Lambauer signale qu'Abetz se révèle être un agent actif dans la persécution antisémite dès l'été 40. Elle écrit :
On a déjà pu observer son ardeur, à peine installé rue de Lille, à poursuivre les juifs et les hommes politiques français "responsables de la guerre"(...), puis inciter à la réouverture des magasins à prix unique, dont la plupart appartiennent, selon lui, à des juifs. C'est que, dès son arrivée à Paris, Abetz entend marquer son territoire et, partant, poser des jalons dans le domaine de l'antisémitisme.(...) Après avoir mis l'administration du Militärbefehlshaber in Frankreich (MBF) comme la centrale de Berlin au courant de la politique qu'il entend poursuivre dans ce domaine, Abetz noue ses premiers contacts avec Vichy. (...) Là précisément, on touche une question délicate mais centrale pour notre étude : l'interdépendance franco-allemande en matière de politique antisémite, incontestable à notre sens. Il y a un consensus général sur le fait que Vichy cultive son propre antisémitisme, qui n'a pas besoin d'être animé par les Allemands. De ce fait, le gouvernement français peut poursuivre une politique antisémite autonome.(...) Cela dit, nous estimons que l'on ne peut pas non plus parler de l'absence complète d'une quelconque pression du côté allemand; thèse aussi éloignée de la réalité que celle d'un diktat allemand. Car ces deux thèses méritent d'être nuancées et rapprochées. (p.197)
En juillet 40, Abetz n'est pas assuré d'avoir sa place dans le jeu des forces allemandes à Paris et doit s'efforcer de prouver sa propre utilité. En tant que représentant des Affaires étrangères allemandes, il se doit de mettre l'accent sur les relations avec le gouvernement français, sur l'établissement puis l'utilisation d'une certiane influence sur lui. Cela doit aboutir à une situation à peu près stable en France et à la possibilité de mettre à disposition du Reich les ressources françaises de tout genre. Dans ce contexte, Abetz doit aussi faire - et fera - ses preuves sur des terrains peu habituels pour un diplomate. Celui des mesures antijuives est l'un d'entre eux, et, soulignons-le immédiatement, pas le moindre. (p.198).
Bien cordialement,
RC |