Bonsoir,
En août 1944 alors que la Libération de la France et la victoire alliée ne fait plus aucun doute, Pétain et son gouvernement s'activent pour "assurer la transition du pouvoir dans la légitimité afin d'empêcher la guerre civile et de réconcilier les Français de bonne foi" .
On sait que Laval avait conçu de rappeler Edouard Herriot, le dernier président de la Chambre, pour réunir l'Assemblée nationale qui avait délégué ses pouvoirs à Pétain en juillet 1940. On n'ignore si Pétain cautionna cette tentative! Toutefois pour que la manoeuvre aboutisse, il était nécessaire que Pétain se rende à Paris pour la "remise du pouvoir". Pétain s'y refuse. Auphan, qui ne manque de candeur, donne deux explications:
- page 262 : *** il [Pétain] ne voulait pas s'y risquer sans l'accord de la Résistance. ***
- page 263 : *** Prudent jusqu'au bout, il [Pétain] ne voulait pas prendre l'initiative de déchirer l'armistice avant la libération de la capitale. ***
Auphan prend-il ses lecteurs pour des naïfs?
"Déchirer l'armistice"?... alors que les alliées et la 2e DB sont aux portes de Paris et que la déroute allemande est évidente?
"L'accord de la résistance"?... alors qu'elle est traquée par les services d'ordre de Vichy... la Milice en particulier?
En réalité, le Maréchal Pétain nourrissait d'autres ambitions. Sous couvert de réconciliation nationale, il cherchera à conserver sinon une parcelle de pouvoir, au moins les acquis de la Révolution nationale. A cette fin, le 11 août 1944, Pétain remet à son dauphin, l'amiral Auphan, la délégation de pouvoir suivante:
***
Désignation d'un plénipotentiaire
Vichy, le 11 août 1944
Le Maréchal de France
Chef de l'Etat
Je donne pouvoir à l'amiral Auphan pour me représenter, auprès du haut commandement anglo-saxon en France et, éventuellement, prendre contact de ma part avec le général de Gaulle ou ses représentants qualifiés, à l'effet de trouver au problème politique français, au moment de la libération du territoire, une solution de nature à empêcher la guerre civile et à réconcilier tous les Français de bonne foi.
Si les circonstances le permettent, l'amiral Auphan m'en référera avant toute décision d'ordre gouvernemental.
Si c'est impossible, je lui fais confiance pour agir au mieux des intérêts de la Patrie, pourvu que le principe de légitimité que j'incarne soit sauvegardé. (...)
***
Détail amusant! En confiant à l'amiral Auphan cette délégation de pouvoir, Pétain lui remit également un dossier qu'il tenait serré dans un tiroir de son bureau. Ce dossier renfermait la procédure de condamnation à mort du général de Gaulle, quatre ans plus tôt. Pétain y épingla la fiche manuscrite suivante:
*** Le Maréchal de France, Chef de l'Etat
Le jugement du général de Gaulle s'est imposé:
1) Par une nécessité de discipline militaire;
2) Comme valeur d'exemple afin d'arrêter un mouvement d'exode d'officiers français vers l'étranger;
3) Il est évident que ce jugement, par contumace, ne peut être que de principe. Il n'a jamais été dans ma pensée de lui donner une suite;
4) Je suis prêt au contraire à m'associer aux actes qui faciliteront le retour de l'ordre en France et l'union des coeurs entre tous les Français. ***
Opportunisme de la dernière heure? A chacun de juger!
Bien cordialement,
Francis. |