Bonjour,
Toujours à propos de l'attitude des officiers de l'armée de 40 face au nouveau régime en France, Robert O. Paxton explique que Charles de Gaulle fut favorisé dans son projet de rebellion parce qu'il se trouvait alors être un des rares officiers relativement autonomes de l'armée française. Nommé par Paul Reynaud au sous-secrétariat à la guerre, il était comme "hors cadre" et donc bien plus libre de ses mouvements que ses camarades sur le terrain et au front. Ainsi, il a pu prendre la température en France et à Londres avant de faire le choix, très douloureux, de rompre avec les hiérarchies et refuser l'Etat de Vichy.
Paxton écrit justement :
Les réactions d'un officier dépendaient, pour beaucoup, de son degré d'engagement dans la bataille. En France même, le flot des troupes allemandes qui, le 10 juin, forcèrent la dernière ligne de défense du général Weygand sur la Somme avait créé une situation qui semblait clairement irréversible à ceux d'entre eux encore capables d'avoir une vue d'ensemble de la bataille. Peu d'officiers pouvaient s'offrir même ce luxe.(...) A la désorganisation inhérente à toute armée en retraite s'ajoutait le poids accablant de la fatigue.
Et l'historien d'ajouter qu'un seul officier de carrière présent sur le front à ce moment-là s'engagea dans la France libre: Philippe de Hautecloque-Leclerc.
Lui excepté, aucun officier n'est connu pour avoir exprimé son désaccord avec le général Weygand.
De ce constat géographique et psychologique il découle que seuls des officiers éloignés du front furent capables de s'opposer à Weygand. La distance avec l'événement militaire brutal leur permit d'avoir une vision stratégique globale et de mettre en avant dans leurs objections parfois virulentes aux ordres du commandant en chef et aux projets d'armistice les possibilités offertes par l'Empire.
Paxton aborde le cas de Noguès :
Le plus influent, et le plus récalcitrant, des chefs français outre-mer fut le général Auguste Noguès, commandant en chef en Afrique du Nord. Confronté, non aux Allemands, mais aux Italiens, Noguès était déterminé à continuer la guerre sur place. Tout au long du mois de juin, il envoya au gouvernement "un ou deux télégrammes quotidiens" insistant pour qu'il se transporte en Afrique du Nord afin d'y poursuivre la guerre.
Dans la 3e semaine de juin 40, Noguès est alors soutenu par l'amiral Esteva (Bizerte), le général Mittelhauser (Levant) et le résident Peyrouton (Tunisie).
Mais, assez rapidement, leur volonte s'émousse et Noguès commence à perdre son optimisme initial quant aux possibilités de poursuite des combats avec les moyens existants en Afrique du Nord; du doute, il passa à la résignation quand il apprit que l'escadre de Toulon ne quitterait pas la France.
L'historien peut alors écrire :
La décision des principaux chefs en poste outre-mer d'obéir aux ordres et finalement d'accepter l'armsitice fut capitale. Elle signifiait qu'aucune personnalité de premier plan dans la chaîne de commandement n'était prête à briser cette chaîne et à entraîner des unités entières sur une ligne de conduite indépendante.(...) L'armée française subsistait, et ses officiers n'étaient pas autorisés à agir en tant qu'individus isolés. Seuls ceux qui se situaient en dehors de ce réseau étroitement soudé de responsabilités et de devoirs pouvaient se libérer et suivre leurs inclinations naturelles. (p.44)
On sait que de Gaulle depuis Londres chercha à se mettre aux ordres de cette brève opposition des chefs d'outre-mer. (Noguès et Mittelhauser) A partir du 25 juin, de Gaulle comprit que l'Empire, à des très rares exceptions, ne bougerait pas et n'entreprendrait rien contre l'armistice et le nouveau pouvoir de Pétain.
Bien cordialement,
RC |