Bonsoir,
Avant toute chose, nos remerciements à Emmanuel pour les compliments flatteurs adressés aux modérateurs (Jacques et moi-même) et son appréciation du forum (qui est surtout celui de tous les participants).
__________________________________________________________
Dans son livre
Vichy dans la Solution finale - Histoire du Commissariat général aux questions juives Laurent Joly consacre près de cinquante pages aux rafles de l'été 1942 dont une dizaine sur le cas des enfants.
Attachons-nous à relever quelques informations relatives au sort des enfants. Rappelons que les Allemands ne désirent pas déporter les enfants et proposent de les confier à l'UGIF (Union général des Israélites de France) ou à des familles d'accueil. Pierre Laval s'y oppose prétextant qu'il n'y a pas suffisamment de places disponibles et que cette mesure est inhumaine. En réalité, Laval songe surtout aux réactions de l'opinion publique.
-
Réunion du 10 juillet 1942.
Cette réunion préparatoire à la grande rafle parisienne est ouverte en présence de Dannecker, de ses adjoints Heinrichsohn et Röthke, de Leguay, de Galien, ainsi que des représentants de la police parisienne, de la SNCF et de l'Assistance publique.
Il n'y est pas question de la déportation des enfants juifs de moins de 16 ans. Ils seront dans un premier temps conduits avec leurs parents au Vel d'Hiv avant d'être confiés à l'Assistance publique dans l'attente d'une prise en charge par l'UGIF. La date de la rafle est fixée au jeudi 16 juillet.
Il est ensuite longuement palabré sur le nombre de seaux hygiéniques à prévoir pour les convois et qui aura la charge de les fournir.
-
16 juillet 1942.
Un rapport de la direction des Renseignements généraux de la préfecture de Police signale :
Les mesures prises à l'encontre des israélites ont assez profondément troublé l'opinion publique [...] Les raisons de cette désapprobation reposent en grande partie sur les bruits qui circulent actuellement d'après lesquels les familles seraient disloquées et les enfants âgés de moins de dix ans confiés à l'Assistance Publique.
Comme Pierre Laval l'avait anticipé et souhaitait éviter, la séparation des enfants de leurs parents choque l'opinion publique.
-
17 juillet 1942
Une réunion présidée par Herbert Hagen entouré de Heinz Röthtke (l'adjoint de Dannecker), Darquier de Pellepoix, Pierre Galien, Jean Legay, Jean François et André Tulard, examine la question de l'hébergement des enfants juifs arrêtés.
Darquier de Pellepoix expose l'idée de Dannecker mise au point lors de la réunion du 10 juillet : placer les quelque 4 000 enfants juifs dans des établissements gérés par l'UGIF. François et Tulard appuient cette position à laquelle les responsables allemands se rallient : les enfants juifs seront transférés dans les camps de Pithiviers et Beaune-la-Rolande avec leurs parents. En attendant la décision de Berlin autorisant la déportation des enfants de moins de 16 ans, les adultes seront d'abord déportés, suggère-t-on.
Compte tenu de leur connaissance de la très probable déportation différée des enfants (l'autorisation ne sera donnée par le RSHA que le 12 août), l'insistance des responsables de la police française ne peut s'expliquer par des raisons humanitaires. Elle suit plutôt la lâche logique choisie par Pierre Laval, la "volonté délibérée de ne pas savoir", l'aveuglement devant un crime qu'ils acceptent honteusement de couvrir. Si les enfants ne suivent pas le sort de leurs parents, cela signifie la reconnaissance implicite d'un crime. écrit Laurent Joly
Il est clair que dans l'esprit de Laval et ses sbires, la fiction d'un départ en famille ne heurterait pas l'opinion publique.
Rappelons une nouvelle fois que les enfants, dont plus de 800 ont moins de 6 ans, seront déportés vers les camps de Pithiviers et Beaune-la-Rolande. Quelques jours plus tard, ils seront séparés de leurs parents pour ensuite, dans des conditions abominables, être déportés à Drancy avant d'être entassés dans les wagons à bestiaux en direction d'Auschwitz.
Bien cordialement,
Francis.
Ndlr : brèves descriptions des noms cités au moment des faits:
- Kark Oberg :chef de la police et de la SS allemande en France.
- Theodor Dannecker : représentant d' Adolf Eichman, il dirige à Paris la section IV J de la Gestapo, chargée de la "Question juive".
- Heinz Röthke : chef du "Service juif" à la SS avec le rang de Obersturmführer (lieutenant). Il a dirigé le Camp de Drancy du 16 juillet 1942 au 2 juillet 1943.
- Herbert Hagen : adjoint et conseiller de Kark Oberg.
- Louis Darquier de Pellepoix : commissaire général (directeur) du Commissariat général aux Questions juives.
- René Bousquet : Secrétaire général à la police de Vichy.
- Jean Legay délégué du Secrétaire général de la police (René Bousquet)
- Pierre Galien : adjoint de Darquier de Pellepoix.
- André Tulard : directeur du Service des étrangers et des affaires juives à la Préfecture de police de Paris. Il est l'auteur de fichier qui recensa les Juifs de Paris.
- Jean François : directeur de la Police générale à la préfecture de Paris.