Mauvaise lecture ou mauvaise foi ? LA VRAIE QUESTION - Le maquis de Glières - forum "Livres de guerre"
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Le maquis de Glières / Claude Barbier

En réponse à -6 -5 -4 -3 -2
-1Il n'y a pas lieu d'opposer Romans-Petit à Barbier de Emmanuel de Chambost

Mauvaise lecture ou mauvaise foi ? LA VRAIE QUESTION de Alain Cerri le vendredi 08 août 2014 à 10h04

Je crois que c'est vous qui ne m'avez pas bien lu ou compris. Pour la énième fois (mais, en tant que fils de résistant, je suis de la race des obstinés !), je me vois contraint de répéter qu'il est absolument incontestable que Romans-Petit a donné, fin janvier 1944, pour mission au lieutenant Tom Morel, de réceptionner les parachutages promis par les Anglais avec quelque deux cent cinquante hommes (voir la citation de son livre Les obstinés, page 77, dans mon précédent message).

Ainsi, le 31 janvier 1944, tandis qu'ordre est donné à l'intendant de police Lelong de mettre la Haute-Savoie en "état de siège", il ne s'agit pas, comme vous osez l'affirmer, du "repli de différents camps" sur le plateau des Glières, mais il s'agit, conformément aux ordres de Romans-Petit (réceptionner les parachutages promis par les Anglais à la pleine lune suivante, ce qui, en raison du mauvais temps, sera essentiellement reporté en mars), de la montée de seulement trois camps A.S. (environ 120 hommes), soit deux fois moins que le nombre prévu (250) par Romans-Petit.

C'est pourquoi d'autres maquisards monteront ensuite sur ordre, mais alors il est impossible de les accuser de vouloir "se cacher", car, comme je l'ai déjà rappelé, dès le début février, les Glières sont l'objet d'un duel de propagande à la radio entre Maurice Schumann pour Londres et Philippe Henriot pour Vichy, ce qui fait que le plateau des Glières n'est pas précisément le lieu idéal pour se réfugier d'autant que celui-ci est encerclé par les forces de l’ordre vichystes à partir du 13 février !

Certes, les maquisards qui montent sur le plateau (mais la plupart n'y montent pas !) pour réceptionner les parachutages d'armes font ainsi d'une pierre deux coups, puisque, dispersés en petits camps et sans armes, ils n'auraient pas pu se défendre contre les éventuelles attaques des forces de l'ordre vichystes, mais ce n'est pas la raison première pour laquelle ils sont montés.

En fait, la vraie question qui s'est posée n'est pas, comme le pense Claude Barbier, de savoir si les maquisards se sont regroupés sur le plateau pour réceptionner des parachutages ou pour se "cacher", mais était de savoir si les maquisards ne feraient que réceptionner des parachutages ou allaient, une fois ceux-ci reçus, constituer ou non une base d'attaque contre les Allemands, qui montrerait aux Alliés que la Résistance, sous la direction du général de Gaulle, était capable d'actions de grande envergure .

A ce sujet, Alban Vistel, responsable régional de la Résistance, écrit à la page 362 de son livre La nuit sans ombre publié en 1970 :
« L'idée première fut de faire du plateau des Glières le centre des parachutages. La R.A.F. jugeait périlleux le survol des Alpes ; après des tentatives malheureuses, les opérations ne furent acceptées que sur des plateaux ou des plaines. Mais, à partir de janvier [1944], l'idée évolue. Comme au Vercors, l'on suppute en haut lieu la possibilité d'y rassembler des effectifs importants, solidement armés et encadrés, protégés par les défenses naturelles. En un temps encore non précisé, l'on y parachutera des commandos, des armes lourdes. Ainsi seront créés de solides îlots qui accrocheront une partie des forces ennemies et feront peser une lourde menace sur ses arrières et ses mouvements. Cette thèse retient l'attention de la plupart des cadres d'active qui retrouvent là un schéma familier : comment ne point songer à ressusciter une unité aussi prestigieuse que le 27e B.C.A. ? De nombreux chalets offrent leur abri ; les camps étant regroupés, l'instruction des réfractaires y sera d'autant plus aisée que l'on disposera de cadres excellents ; quant aux parachutages que l'on promet massifs, ils s'effectueront en toute sécurité. De plus, au cours d'un hiver long et rude, les camps aux maigres effectifs ne pourraient offrir de résistance aux opérations répressives : ils seraient liquidés les uns après les autres. Ceux qui s'y opposent considèrent ces avantages mineurs auprès du terrible risque qui découle de la concentration de tous nos effectifs en un seul lieu. Au fond, n'est-ce pas ce que souhaite l'ennemi ? Le mouvement des camps vers le plateau ne saurait passer inaperçu ; bien informé, disposant du nombre et des moyens, il frappera durement, préférant une vaste opération à un harcèlement incessant et coûteux. Pour les nôtres, en plein hiver, dans la neige épaisse, une retraite peut se changer en désastre. Le chef régional de l'A.S., Didier, voudrait que l'on renonçât au projet, mais des considérations relevant d'un ordre qui dépasse notre terroir et nos doctrines vont l'emporter. Dans son témoignage, Jean-Paul (Guidollet), qui deviendra le chef départemental des M.U.R., rapporte que la décision fut prise lors d'une réunion tenue à Annecy début février [1944] avec Cantinier, Anjot, Clair ; les deux thèses s'y affrontent : Cantinier soutient avec acharnement la thèse du regroupement. « L'action de guérilla, de sabotage n'était pas suffisante. Il fallait fournir à Londres la preuve que la Résistance ne s'exprimait pas seulement en paroles, mais par des faits et qu'elle représentait une force considérable avec laquelle les Allemands devraient compter. A contrecoeur, nous avons tous décidé de nous rallier à la position catégorique adoptée par Cantinier. En ce qui me concerne, avec le recul des années, je me rends compte que cette grave et terrible décision était, en fait, la seule solution valable pour faire admettre par les Alliés que la Résistance intérieure était capable de combattre. Contrairement à ce que certains ont prétendu, il ne s'agissait ni d'une décision prise à la légère ni d'une décision inspirée par des considérations d'ordre personnel, mais d'une prise de conscience brutale des difficultés que nos représentants devaient surmonter à Londres. »

L'assertion de Barbier, sur laquelle est censé reposer son apport à l'histoire (cf. p. 143 de son livre : « […] la nécessité de se prémunir des attaques du maintien de l’ordre – se cacher donc – passait avant la réception des armes. ») est donc fausse, gratuite, volontairement dépréciative et passe à côté de la vraie question qui s'est posée à l'époque !

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