L'argument, que j'ai souvent lu ou entendu, selon lequel le dispositif pénal antérieur à l'entrée en vigueur de la "loi Gayssot" suffisait à réprimer le discours négationniste, ne convainc pas. Il me semble même particulièrement dangereux sur le plan de la protection des libertés fondamentales.
Au nom de la garantie de ces libertés, il est notamment essentiel que la loi pénale soit précise (plus elle est vague, plus elle autorise l'Etat à en abuser), et d'interprétation stricte (plus elle est généralisée, plus elle autorise l'Etat à en abuser).
S'agissant du racisme, et comme je l'indiquais dans un autre message, la loi réprime l'injure ou la diffamation raciales, ou la provocation à la haine et à la violence raciales. En vertu des principes de précision et d'interprétation stricte de la loi pénale, ne peuvent être sanctionnés à ce titre que les termes les plus ouvertement agressifs, dépourvus de la moindre équivoque:
- exemple d'injure antisémite: "Les Juifs sont des menteurs";
- exemple de diffamation antisémite: "Les Juifs ont organisé le 11 septembre";
- exemple de provocation à la haine antisémite: "il est indispensable de s'attaquer aux Juifs qui hantent nos rues";
En revanche, un auteur négationniste suffisamment prudent pour ne proférer aucune injure, aucune diffamation, aucune provocation explicite, et se limiter à nier les chambres à gaz, ne peut qu'échapper aux poursuites, sauf à remettre en cause l'exigence d'interprétation stricte de la loi pénale. Autrement formulé: s'il est bien évident que le discours négationniste est antisémite, il n'est pas pour autant, en lui-même, condamnable au titre de l'injure, la diffamation, la provocation raciales, parce que ces notions doivent être interprétées strictement.
Du reste, il est constant qu'aucun négationniste n'a été pénalement sanctionné au titre de leurs propos spécifiquement négationnistes avant l'entrée en vigueur de la "loi Gayssot".
J'ajoute que j'aurais été profondément inquiet et scandalisé qu'un tel auteur soit condamné sur ce fondement, tout négationniste qu'il soit.
Dans ces conditions, il était nécessaire d'introduire une loi réprimant spécifiquement cette propagande. Quant à écrire qu'elle accréditerait la notion de vérité officielle, c'est un pas que je ne franchirai pas: il suffit, en effet, de rappeler ce qu'est le négationnisme pour réaliser le peu de poids de l'allégation. Comme l'illustre le cas d'Emmanuel, qui n'est certes pas le premier que je rencontre en la matière, j'ai constaté que les critiques de la "loi Gayssot" méconnaissaient souvent la nature profonde du négationnisme.
En conséquence: la démystification des raisonnements négationnistes, assortie de poursuites pour expression de foutaises négationnistes sanctionnées en tant que telles, me semble la bonne formule. |