Dans la problématique présentement posée, la loi ne sanctionne pas l'antisémitisme ou le racisme, mais l'expression de l'antisémitisme ou du racisme.
Ce qui est interdit, en effet, c'est ceci:
1) Article 32 de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse: la "diffamation commise par les mêmes moyens envers une personne ou un groupe de personnes à raison de leur origine ou de leur appartenance ou de leur non-appartenance à une ethnie, une nation, une race ou une religion déterminée", la diffamation étant définie par l'alinéa 1 de l'article 29 de cette même loi comme constituant "toute allégation ou imputation d'un fait qui porte atteinte à l'honneur ou à la considération de la personne ou du corps auquel le fait est imputé est une diffamation. La publication directe ou par voie de reproduction de cette allégation ou de cette imputation est punissable, même si elle est faite sous forme dubitative ou si elle vise une personne ou un corps non expressément nommés, mais dont l'identification est rendue possible par les termes des discours, cris, menaces, écrits ou imprimés, placards ou affiches incriminés". Exemple : "Les Juifs pratiquent les meurtres rituels d'enfants."
2) Article 33 de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse: l'injure "envers une personne ou un groupe de personnes a raison de leur origine ou de leur appartenance ou de leur non-appartenance à une ethnie, une nation, une race ou une religion déterminée", l'injure étant ainsi définie par l'alinéa 2 de l'article 29 de cette même loi - "toute expression outrageante, termes de mépris ou invective qui ne renferme l'imputation d'aucun fait est une injure". Exemple: "l'Asiatique est fourbe par essence".
Le législateur, nanti d'une certaine expérience historique, a institué un régime de présomption de dangerosité envers la diffamation et l'injure raciales, dans la mesure où ces deux catégories d'actes ont pour effet de fomenter la haine et de provoquer des violences. Par ailleurs, sont punis les faits de provocation à la haine, à la discrimination, à la violence raciale, l'apologie des crimes de guerre, des crimes contre l'humanité, des crimes ou délits de collaboration, le négationnisme des crimes nazis contre l'humanité, etc. etc.
Dès lors, pour répondre à ta question, la loi française ne formule aucune définition du terme "antisémitisme", mais sanctionne des actes objectifs ayant pour objet et finalité la promotion de la haine raciale, vecteur de troubles à l'ordre public et attentatoire à la dignité humaine, comme l'a rappelé récemment le Conseil d'Etat.
Par ailleurs, il me paraît inexact d'écrire que "le président du CRIF" cherche à "faire condamner des actes anti-religieux". Ce qu'il indique, c'est que le geste de la "quenelle" "a une connotation antisémite seulement dans l'hypothèse où il est fait devant une synagogue ou un lieu de mémoire de la Shoah". En l'occurrence, il n'assimile pas la "quenelle" à un banal acte anti-clérical, mais à un geste injurieux envers les Juifs.
L'antisémitisme, en effet, ne se veut pas le champion de la laïcité. C'est une agression ciblant les Juifs en les présentant comme un groupe malfaisant, conspirant contre les peuples de la planète en vue de les corrompre pour asseoir sa domination éternelle. Les "griefs" d'ordre religieux qu'il développe s'inscrivent dans cette démarche et cette logique. Accuser notamment "les Juifs" d'avoir tué le Christ relève certes de l'hostilité religieuse, mais revient en outre à généraliser une accusation de "déicide", dans la mesure où ce meurtre est attribué "aux Juifs" pris dans leur ensemble. |