Le rapport a été rédigé dans l'intention d'évaluer les moyens de poursuivre la lutte contre l'Allemagne dans l'hypothèse d'un effondrement de la France, suivi d'une capitulation de cette dernière :
The object of this paper is to investigate the means whereby we could continue to fight singlehanded if French resistance were to collapse completely, involving the loss of a substantial proportion of the British Expeditionary Force, and the French Government were to make terms with Germany.
La citation dénichée par Jacques Ghémard va dans ce sens :
"In this we may be helped by any French Naval forces that may not have capitulated". C'est effectivement la perspective d'une capitulation française qui est ici examinée.
L'annexe du rapport se révèle, à ce titre, plus précise sur l'ampleur et l'impact de cette capitulation :
All French European and North African territory will be accessible to enemy forces in course of time, and will be treated as hostile territory. French armed forces in Europe and North Africa will cease to fight. Parts of the fleet and certain land and air forces in outlying parts of the French Empire will continue to assist in the war.
D'autres passages attestent que les auteurs du rapport basaient leurs estimations sur un retrait de la France du conflit. Les paragraphes suivants illustrent les conséquences de cet événement sur la maîtrise alliée de la Méditerranée occidentale, et sur le nécessaire redéploiement de la seule
Royal Navy :
10.- The immediate effect of a French collapse would be the loss of naval control in the Western Mediterranean. Italy would be able to concentrate all her strength against Malta, Gibraltar and Egypt. Malta could probably withstand one serious assault. We could continue to use Gibraltar as a naval base until Spain became hostile. Even then Gibraltar should hold out for 60 days.
11.- To contain the Italian Fleet and secure Egypt a capital ship fleet should be based on Alexandria. In due course a heavy scale of attack could be mounted on Egypt from Libya, and we might have to withdraw the Fleet through the Suez Canal to Aden and block the Canal. Preparations to do this should be undertaken as soon as the contingency considered inthis paper arises.
Ces éléments font l'objet de développements plus conséquents aux points 35 à 44 de l'annexe, laquelle spécifie en outre :
From the first few weeks of a French collapse the United Kingdom and its sea approaches will be exposed at short range to the concentrated attack of the whole of the German Naval and Air forces operating from bases extending from Norway to the NorthWest of France. The threat of invasion will be ever present. Italy will be in the war, and the Mediterranean - except for the Eastern end and possibly, to a limited extent, the North African coast — will be closed to us.
Le rapport témoigne des inquiétudes des auteurs quant à la situation géopolitique découlant de la capitulation française. Ils supposent que l'Italie entrera en guerre contre les Alliés et s'attendent à ce que l'Espagne bascule, de gré ou de force, dans le camp de l'Axe. Ils dressent un portrait intéressant de l'Allemagne occupant l'Europe, soulignant le manque de matières premières et de ressources alimentaires qui menace son économie, ce qui correspond(ra) effectivement à la réalité.
Pour autant, je vois mal comment un tel rapport pourrait appuyer la thèse de "l'armistice indispensable". Les préoccupations de ses auteurs ont pour cadre une capitulation de la France, décision politique consistant à se retirer des hostilités. Il n'y a là rien de commun avec l'hypothèse d'une poursuite de la guerre par le gouvernement français réfugié en Afrique du Nord. Cette pièce, pour tout dire, tend effectivement à démontrer le caractère catastrophique de l'armistice.