Trois-quatre observations pour compléter votre message - Le Fantôme de Staline - forum "Livres de guerre"
Pour profiter de
tous les avantages
de ces pages, vous
devez accepter
les cookies



Forum
des livres, revues, sites, DVD, Cd-rom, ... , sur la 2e Guerre Mondiale, de 1870 à 1970
 
 Le débat sur ce livre
 
 L'accueil
 Le menu
 Le forum
 Les livres
 Ajouter un livre, ...
 Rechercher
 Où trouver les livres ?
 Le Glossaire
 Les points
 Les pages LdG
 L'équipe
 Les objectifs
 La charte
 Droit de réponse
 L'aide
 
 
 

 


La description du livre

Le Fantôme de Staline / Vladimir Fédorovski

En réponse à -2
-1La guerre secrète et le Brise-Glace de MOSCA

Trois-quatre observations pour compléter votre message de Nicolas Bernard le mercredi 25 janvier 2012 à 20h13

> Oui, il a rejeté le plan de l'attaque préventive monté
> par le GQG soviétique début 1941.

Plus exactement, il injurie les généraux qui lui présentent le plan, à savoir Timochenko et Joukov : "Ca ne va pas ? Vous avez perdu la tête ? Vous voulez provoquer les Allemands ?" Et d’ajouter : "Vous devez comprendre une bonne fois pour toutes que l’Allemagne ne va pas attaquer la Russie de sa propre initiative. [...] Si vous provoquez les Allemands à la frontière, si vous déplacez des forces sans notre permission, gardez à l’esprit que des têtes vont tomber." D'après Timochenko (peut-être de mauvaise foi) Joukov aurait même perdu contenance et aurait été emmené dans une autre pièce pour lui laisser le temps de récupérer (voir Ewan Mawdsley, "Crossing the Rubicon. Soviet plans for Offensive War in 1940-1941", International History Review, n°25, 2003, p. 852-853, ainsi que Lev Lopukhovski & Boris Kavalerchik, Ijun 1941. Zaprogrammirovannoe poraženie - Juin 1941, Ezmo, 2010, p. 534).




> Oui, il a bel et bien reçu toute la quantité de
> renseignements voulue sur l'imminence d'une attaque
> allemande.

... sachant que certaines d'entre elles indiquaient à tort qu'elle serait précédée d'un ultimatum, et que quantité d'autres d'informations tendaient à démontrer que le Reich mettrait au contraire le paquet contre la Grande-Bretagne en 1941 (invasion des Balkans, raids dans l'Atlantique, offensive de Rommel en Afrique du Nord, préparatifs fictifs d'un débarquement sur les côtes anglaises, durcissement du Blitz...). Il y a donc lieu de ne pas exagérer le succès des services de renseignements soviétiques sur ce point. Ils ont aussi véhiculé les canards de l'intoxication conduite de main de maître par les nazis.

D'autant que ce qui importe n'est pas le renseignement lui-même, mais ce que les analystes des différents services "compétents" en font. Or, le décryptage, l’analyse et la synthèse de ces données contradictoires ont été effectués par des cadres parfois inexpérimentés, remplaçant au pied levés les épurés de la Grande Terreur, laquelle a renforcé chez les survivants comme chez les nouveaux le souci de complaire au tyran du Kremlin. "Je reconnais avoir déformé les renseignements pour plaire à Staline, parce que je le craignais", avouera en 1965 le général Golikov, chef des renseignements militaires (cité dans David Murphy, Ce que savait Staline. L’énigme de l’opération Barberousse, Stock, 2006, p. 373).




> Non, il a choisi délibérément de ne pas y croire, tout
> simplement parce que celà ne faisant pas son affaire et
> ne s'accordait pas avec sa vision de l'avenir.

Sa démarche me paraît au contraire bien plus rationnelle. Au-delà de son appréciation inexacte des données collectées par ses services d'espionnage, il est vrai incohérentes et déformées par ses propres fonctionnaires pour ne pas risquer son courroux, Staline a commis une erreur commune à la quasi-totalité des dirigeants occidentaux de l'époque : il a sous-estimé Hitler.

Loin de le voir comme un dictateur sûr de lui, omnipotent car omniscient - bref loin de le concevoir comme lui-même voulait se présenter ! -, le dictateur soviétique a supposé

1) que le Führer savait modérer ses ambitions initiales, telles que gravées dans Mein Kampf ;

2) qu'il était tiraillé entre plusieurs clans qui se disputaient le pouvoir en Allemagne, notamment un clan anticommuniste et un clan russophile.

Ce faisant, le maître du Kremlin n’a pas compris que c’était Hitler qui impulsait la politique étrangère et la stratégie militaire de l’Allemagne, et que les guerres de clans n'étaient qu'une intox de sa part. Staline a préféré s’imaginer qu’en poussant une faction gouvernementale allemande contre une autre, il serait à même d’influer sur les décisions du tyran autrichien.

Il fallait toute l’intelligence, quasi-instinctive, d’un Churchill ou d’un De Gaulle, pour flairer le piège et identifier le danger. Mais les renseignements glanés dans toute l'Europe par les agents soviétiques étaient, pour la plupart, susceptibles de conforter cette image de Hitler le dépeignant sous les traits d'un dictateur hésitant, influençable. Staline y croira encore aux premières heures de l'invasion. Ne va-t-il pas jusqu'à songer que cette dernière a été déclenchée par des généraux allemands sans l'accord du Führer ? (Gabriel Gorodetsky, Le Grand Jeu de Dupes. Staline et l'invasion allemande, Les Belles Lettres, 2000, p. 446-447)

Je passe sur l'Armée rouge, à propos de laquelle je renvoie à mes interventions sur ce fil. Staline la savait incapable faire face à l'armée allemande en 1941, et redoutait comme la peste l'éventualité d'une guerre avec le Reich. Il espérait au contraire convaincre les pseudo-russophiles de Berlin de sa bonne foi, pour renforcer leur crédit auprès de Hitler. D'où le refus d'envisager une seconde le concept d'une offensive préventive. D'où les bâtons jetés dans les roues de ses généraux lorsqu'il s'agira de déployer l'Armée rouge au premier semestre 1941 : chercher à apaiser implique de ne pas amplifier le son des bruits de bottes.




> Enfin, avant et surtout pardessus tout il est Brise
> -Bonbons d'entendre à longueur de phrases que Staline
> aidait l'allemagne à faire la guerre en 1939-40. [...]

En fait, une étude serrée de la chronologie permet de déterminer l'impact des échanges commerciaux germano-soviétiques sur la conduite des opérations militaires nazies.

Le pacte germano-soviétique, en effet, ne s'est pas immédiatement traduit par d'importants dividendes pour Berlin. Les négociations traînent en longueur les premiers mois, et il faut attendre le printemps 1940 pour voir les échanges économiques entre les deux pays s’accroître de manière significative. Jusqu'alors, de septembre 1939 à mai 1940 inclus, l’U.R.S.S. n’a livré à l’Allemagne que 155.000 tonnes de pétrole, à peu près un dixième du stock d’essence allemand de l’époque. Même constat pour le blé ou le manganèse - sur ces éléments, voir Edward E. Ericson III, Feeding the German Eagle. Soviet Economic Aid to Nazi Germany 1933-1941, Westport, Praeger Publishers, 1999, p. 201-205.

En revanche, la défaite de la France convainc Staline de chercher à amadouer Hitler. Et quelle meilleure manière que de le corrompre ? Bref, c'est à partir de l'été 1940 que le pétrole commence littéralement à couler à flots vers l'Allemagne, et que les autres ressources soviétiques y connaissent une distribution massive (ibid., p. 129 et s.). Ainsi, contrairement à une légende tenace, l’armée allemande n’a pas envahi l’Europe de l’Ouest grâce à du carburant d’origine soviétique. En revanche, les stocks accumulés par l'Allemagne grâce à ses importations vont effectivement lui permettre de préparer Barbarossa.

P.S. Et bonne année Deux-Mille-Douze à tous, au fait.

*** / ***

lue 2162 fois et validée par LDG
 
décrypter

 



Pour contacter les modérateurs : cliquez !

 bidouillé par Jacques Ghémard le 1 1 1970  Hébergé par PHP-Net PHP-Net  Temps entre début et fin du script : 0.01 s  5 requêtes