Bonjour,
L'envol de Hess provoqua dans toute l'Allemagne une incroyable vague de rumeurs. Toutes - et quelques autres - ne sont pas prêtes de s'éteindre. Elles font les choux gras d'une école pseudo-historique baptisée "conspirationniste". Le genre fait vendre et fait le bonheur des maisons d'édition.
Outre toutes les spéculations possibles et imaginables sur la "mission" de Hess, surgirent des récits sur la déloyauté, la corruption, la fuite à l'étranger de dignitaires du Reich comme Himmler et Ley.
En Bavière, divers patrons du Parti bavarois dont le Gauleiter Adolf Wagner, auraient été capturés, disait-on, alors qu'ils tentaient de passer en Suisse avec 22 millions de Reichmark volés sur les biens confisqués de monastères dissous.
A Berlin, une incroyable vague de rumeurs et de spéculations se répandirent également et furent répercutées dans la presse locale. Ainsi, selon diverses versions, le comte Helldorf (préfet de police de Berlin), Julius Streicher, Alfred Rosenberg et d'autres dignitaires du parti auraient été arrêtés pour complicité dans la "trahison" de Hess. Plusieurs d'entre eux auraient déjà été fusillés, ajoutait-on.
On avait aussi, disait la rumeur, dressé des listes de chefs locaux "intolérables" du Parti, du Front du travail et du NSV. [*]
Ian Kershaw, Le mythe Hitler, note que la nouvelle stupéfiante de la "fuite" de Hess en Ecosse a été une catastrophe pour l'image du Parti sans pour autant ternir le prestige de Hitler.
La synthèse centrale rédigée par le SD [*] à partir de l'ensemble des rapports régionaux reçus à son siège central évoquait "un grand désarroi" et chez les membres du Parti en particulier, "un accablement profond"
Les rapports bavarois affirmait qu'on avait été "pétrifié d'horreur" en apprenant la nouvelle. Il était même suggéré que le climat était comparable à 1917. Selon d'autres rapports, les ouvriers pensaient que c'était le début de la fin pour le Parti et le IIIe Reich.
A en croire un rapport long et détaillé du SD de Leipzig, les membres du Parti étaient "totalement traumatisés" et voyaient l'affaire comme "une bataille perdue" : pour le coup porté au Parti, elle leur paraissait au moins deux fois pire que la crise des SA de 1934.
Les milieux d'affaires condamnaient l'acte de Hess comme une trahison contre le Führer et le peuple, et considéraient les reportages de la presse et de la radio - universellement méprisés - comme une "escroquerie" du Parti. Ils ressentaient encore de la sympathie pour Hitler lui-même, constamment trahi par ses vieux compagnons. Certains industriels voyaient dans l'événement le début de la fin du nazisme, qui, à nouveau, s'était presque "suicidé à force de victoires".
L'intelligentsia et les cercles érudits, toujours selon les rapports de la SD, critiqueront Hitler pour avoir choisi un personnage aussi perturbé mentalement tout ajoutant que ces milieux intellectuels étaient majoritairement "convaincus que le Führer n'était plus tenu au courant de l'état de l'opinion et de la situation réelle dans le Reich, qu'on lui cachait pratiquement tout".
Et d'autres rumeurs ne sont pas prêtes de s'éteindre !
Bien cordialement,
Francis.
[*] clic sur la loupe à décrypter |