Bonsoir,
J'ai noté ce passage dans le livre de Mémoires de François Maspero paru en octobre de l'année dernière à propos de Comment essayer de rapporter l'indicible des camps nazis :
"De toute manière, le propos de Jorge Semprun - comme celui de Primo Levi - n'a pas été d'apporter un de ces témoignages qui veulent avoir la précision d'un procès-verbal. Ceux-là, si sincères soient-ils, et si minutieusement près des faits, jamais ne communiqueront ce qui, par essence, est incommunicable. La question n'est pas que le témoin ait, ou pas, une "mémoire de bronze". La question est que le lecteur, toujours extérieur, n'a pas été et ne sera jamais présent au camp. Si, par l'écriture - l'écriture littéraire -, quelque chose, même infime, peut passer de la vie du camp et de son odeur de mort - l'odeur à chaque instant prégnante du crématoire , de la vie et de la mort étroitement mêlées au camp, cela compense mille fois telle ou telle imprécision factuelle."
(p. 38-39 in "Les abeilles et la guêpe", Seuil, 2002)
François Maspero, tout en étant conscient de l'impossibilité de toucher à son but, cherche encore à découvrir les conditions précises de la mort de son père afin d'en faire le deuil. Il avait été arrêté pour faits de Résistance et déporté à Buchenwald où, malgré une protection de l'organisation clandestine, il ne vit pas la libération du camp. C'est un séjour dans un kommando parmi les plus durs qui l'épuisa en quelques jours.
L'auteur soulève la question centrale du témoignage de l'horreur par des survivants. Si sur le plan historique, le témoignage demande à être abordé avec circonspection, en revanche, transfiguré par le talent littéraire d'un Semprun, d'un Levi ou d'un Antelme, il permet au lecteur une sorte d'empathie intellectuelle ET affective.
Cordialement,
René Claude
PS : Je déposerai bientôt ce récit de François Maspero dans le forum. Voilà un autre autre exemple des ressources offertes par la bibliothèque virtuelle de Livre de Guerre à chaque internaute passionné d'Histoire et de littérature, car "Les abeilles et la guêpe" est bien un livre de guerre ... et de combat. |