Contrairement à ce que soutient Pierre Durand dans
Le Train des Fous (Messidor, 1988), théorie initiée par Max Lafont (thèse de doctorat publiée en 1987) il n'y a pas eu de "génocide des fous" sous Vichy, au sens où, à l'inverse de l'Allemagne nazie, le régime n'a pas mené une politique d'extermination délibérée, par famine et mauvais traitements, des malades mentaux. Dès la publication de ces allégations, qui avaient au moins le mérite de susciter le débat, les historiens avaient été en mesure de souligner l'absence de preuve d'un tel programme éliminationniste -
voir la critique de ces deux ouvrages par Henry Rousso.
Il n'en est pas moins vrai que le rationnement mené par Vichy, découlant du pillage alimentaire de la France, a abouti à une réduction catastrophique des rations allouées aux hôpitaux psychiatriques dès 1940, ce qui a divisé le milieu des psychiatres, une minorité déniant tout rapport de cause à effet entre le rationnement et l'envolée des statistiques mortuaires, la majorité s'inquiétant au contraire suffisamment pour alerter l'Etat français, qui, cependant, ne décidera qu'en décembre 1942 d'augmenter les rations. La famine ne cessera pas, mais sera beaucoup plus limitée à compter de 1943.
On peut donc parler de négligence, la qualifier même de criminelle, mais il ne s'agit pas, encore une fois, et quoique la différence soit ténue, de génocide, au sens de planification d'un meurtre de masse visant un groupe particulier. Ces faits ont été mis en lumière par Isabelle von Bueltzingsloewen,
L'Hécatombe des Fous. La famine dans les hôpitaux psychiatriques français sous l'Occupation, Aubier, 2007, et Flammarion, coll. Champs, 2009 (réédition en format poche). En toute hypothèse, le fait démontre que contrairement aux allégations vichystes, des dizaines de milliers de Français sont bel et bien morts de faim sous l'Occupation.