Je ne veux pas vous humilier, Ghémard, mais voilà ce que j'avais écrit :
Oui, mais vous ne tenez aucun compte, vous, de ce que je vous ai fait observer à maintes reprises, à savoir que nous avions perdu la guerre et que, n'ayant pas de forces militaires à opposer à un occupant tout-puissant, la seule chose que pouvait faire Vichy, c'était de relâcher la pression par d'habiles négociations et par une pratique de l'esquive comportant inévitablement des compromis et même des compromissions.
La fin justifie les moyens quand il s'agit de sauver ce que Churchill appelle : "des milliers d'humbles foyers".
Et voilà ce que vous avez répondu :
Attendez, là, seriez vous enfin en train d'admettre que Vichy ne pouvait pas ne pas savoir ? Ou aurait pu savoir si quelqu'un avait voulu savoir ?
C'est ce que j'appelle "couleuvrer".
Quand on est embarrassé par une question on répond à une autre, on prend la tangente, on esquive de répondre et on croit s'en tirer.
Mais ce n'est pas vraiment honnête.
Car vous savez bien que c'est vrai que nous avions perdu la guerre et que l'armistice fut ressenti avec soulagement et, aussi, que la confiance du pays envers le Maréchal fut un vrai phénomène de société.
Le Maréchal a-t-il trahi cette confiance ?
Toute la question est là.
Or, je dis non.
Tout ce qu'il pouvait faire, désarmé comme il l'était, c'était d'essayer de desserrer l'étau, de relâcher la pression, d'esquiver les attaques de l'occupant pour éviter des malheurs à des milliers d'humbles foyers. Or, il y a réussi dans des proportions énormes et c'est cela qu'il importe de dire aujourd'hui, car le public a été trompé là-dessus.
Grâce à d'habiles négociations où les talents de gens comme Laval, Bousquet, Vallat et même Darlan (que j'aime moins), c'est un fait indiscutable que ce ne sont pas des milliers d'humbles foyers mais des millions qui y gagnèrent.
Enfin, est-ce vrai ou faux qu'il y avait 350 000 Juifs en France dont 275 000 survécurent, 400 000 en AFN qui, grâce à l'armistice, ont évité l'occupation allemande et les conséquences probables de cette occupation, 2000 000 de prisonniers qui rentrèrent sains et saufs (y compris les Juifs) dont 800 000 avant la fin de la guerre, grâce à la Relève et à d'autres négociations.
N'est-ce pas un fait aussi que les famines furent évitées, que les condamnations à mort suivies d'exécution furent limitées à 4000, que les massacrés ne furent que 1200, que Paris évita, contrairement à Varsovie, la destruction et que nos ouvriers ne partirent en Allemagne y travailler que dans une faible proportion si on compare à d'autres pays occupés.
N'est-ce pas vrai aussi que tous ces avantages furent obtenus sans que la cause alliée fût trahie soit par la livraison de la flotte soit par celle de portions de l'empire telles que des bases maritimes ou aériennes ?
Ne soyons pas ingrats même si tout cela se paya de certaines paroles désagréables comme "collaboration" ou "Je souhaite la victoire de l'Allemagne.."
Que sont les mots à côté des morts ?
Je vous le demande. |