Une lettre de Halifax à son vieux camarade Hoare, ambassadeur spécial de Sa Majesté en Espagne, le 8 juillet 40 :
On dirait que notre situation vis-à-vis des Allemands s'améliore un peu et nous avons eu un rapport en apparence solide selon lequel la division blindée qui avait atteint les Pyrénées rebrousse chemin. Mais je n'ai aucun doute que vous devez continuer à être très en alerte et on peut seulement espérer le meilleur tout en se préparant le plus possible à affronter le pire, s'il doit se produire.
(NA, FO 800/323)
Donc les Anglais, fort logiquement, se demandent s'ils vont être attaqués dans leur île, dans leurs possessions d'outre-mer et d'abord Gibraltar via l'enrôlement de Franco, etc.
Leur vision de l'armistice est à l'avenant, et explique Mers el-Kébir plus que tout : les Huns (équivalent local des Boches) peuvent très bien avoir signé ce texte pour finir de casser les reins de l'armée française et poursuivre quand même, et d'autant plus, vers l'AFN, sous n'importe quel prétexte ou sans prétexte aucun , vae victis !
En quoi cela peut-il nourrir notre réflexion actuelle sur Vichy ? Je vois surtout deux choses :
-cet armistice fragilise Churchill et tout le bellicisme britannique. Car Halifax (j'ai pas mal affiné dernièrement ma vision du personnage) est un adepte de la lutte à outrance... en cas de "pire" (il voit encore la direction nazie comme divisée et comme Ollivier : le "pire" c'est si les "durs" l'emportent) mais, vu l'ampleur des périls et la faiblesse de l'espoir d'une victoire, est prêt à toutes les transactions avec les Huns "raisonnables", s'il en reste.
-on ne sait rien ni des intentions allemandes, ni des moyens tenus en réserve pour châtier la Grande-Bretagne si elle continue la guerre. On ne peut guère qu'attendre et observer. Et début juillet on s'est attendu sérieusement à ce que les Panzer passent les Pyrénées.
On ne voit vraiment pas ce qui empêchait le gouvernement de Bordeaux d'aller à Alger observer lui-même l'évolution de la situation. On voit même assez clairement l'inverse puisque, précisément, la France avait plus à perdre. |