Bonjour,
Jean-Pierre Azéma rappelle justement et à plusieurs reprises dans sa bio politique que Jean Moulin sut en général OBEIR aux ordres et consignes de Londres, n'hésitant pas à mettre en sourdine son sentiment négatif à l'égard des politiciens et des partis discrédités de la IIIe République lorsqu'il lui fallut rassembler toutes les tendances de la Résistance intérieure derrière Charles de Gaulle dans son combat pour une reconnaissance par les Alliés.
Henri Frenay, lui, entier et manquant d'expérience politicienne, n'a jamais pu accepter le retour des représentants de l'ancien système et surtout il l'a fait savoir en France, à Londres et à Alger sans prendre de gants. (Ce mot "système" dont l'emploi dans un sens péjoratif fera d'ailleurs florès à la fin de la IVe République chez les partisans de la méthode forte pour liquider le gouvernement d'un République incapable de régler la guerre d'Algérie...)
Il y aura toujours un vieux reste d'antiparlementarisme chez le patron de "Combat" qui est habité, au début 1944, par une ambition peut-être démesurée et trop difficile à défendre face à un De Gaulle grand stratège politique :
"La présence de la Résistance comme FORCE de RENOUVEAU POLITIQUE pour refonder la France.(...) Il s'agit de "préparer les esprits à une survie de la Résistance, qu'on écrit à présent avec une majuscule, et de permettre la naissance d'un ou PLUSIEURS partis de la Résistance".", selon la formulation du secrétariat du Comité directeur des MUR.
Et Robert Bellot de poursuivre, en citant toujours ce rapport qui affirme que "la présence à Alger de certaines personnalités politiques que l'on croyait écartées définitivement de la scène politique a fait une fâcheuse impression." (Cot, Queuille, Auriol, Mendès France, etc.) et le biographe de préciser que c'est pour défendre son ambition d'une Résistance devenue force politique que Frenay fit tout pour être intégré au Comité d'Action en France sous la direction de De Gaulle. En vain. Emmanuel d'Astier aura sa place, pas le chef de "Combat" qui aura un rôle de consultant.
On voit bien que l'affaire de la délégation en Suisse - cette tentative maladroite mais que je crois sincère entreprise par des cadres de "Combat" d'établir des liens suivis avec les services américains de Dulles en vue d'un financement qui aurait permis une autonomie vis-à-vis de Moulin, maître des finances - et surtout le désaccord profond avec le représentant de De Gaulle sur l'opportunité de réintégrer les délégués des "vieux" partis d'avant la débâcle dans le organes décideurs de la Résistance, laissèrent des traces profondes chez les acteurs de la Résistance et de la France Combattante.
Fin 1943, R. Belot et JP. Azéma peuvent écrire que Frenay est "grillé" politiquement chez les gaullistes. Mais il sait toujours pouvoir compter sur la base de "Combat" qui reste le plus grand mouvement de la Résistance et que De Gaulle ne peut pas complètement exclure pour parvenir asseoir son pouvoir à la tête du futur Gouvernement provisoire.
A suivre...
Cordialement,
René Claude |