Lettre d'information du site de François Delpla
n° 58
Dans les dernières lettres, je vous annonçais un heureux événement en kiosque pour le premier septembre. Or l'enfant se présente avec trois jours d'avance ! Dès vendredi vous pourrez trouver partout en France et, quelques jours plus tard, presque partout en Belgique, au Luxembourg, en Suisse et au Québec, ainsi qu'au Maroc et au Portugal " La dernière guerre ", un nouveau magazine bimestriel, lancé par les éditions Caracktère (spécialisées dans les magazines historiques) sous la houlette de Yannis Kadari. Destiné à explorer en six ans tous les aspects du conflit, tout en suivant l'actualité scientifique et médiatique à son sujet, ce nouveau média m'a invité à participer à son comité de rédaction et compte me confier régulièrement des articles.
Dans ce premier numéro Hitler, Churchill, le début des atrocités antisémites en Pologne et la genèse du pacte germano-soviétique sont présentés par les auteurs des meilleurs livres récents en français sur ces sujets. Le mien n'y a guère de mérite car il était et reste la seule biographie du responsable du déclenchement de cette guerre qu'ait écrite un natif du grand pays voisin et victime.
Le prochain numéro, à paraître à la Toussaint, me verra plancher sur ses relations féminines, très généralement déformées, méconnues et, surtout, rarement mises en rapport avec ses entreprises politiques et militaires. Dans le n° 1, je dresse également un inventaire, trop bref, des richesses de la nouvelle oeuvre d'Isabelle Clarke et Daniel Costelle, Apocalypse, diffusée sur France 2 les 8, 15 et 22 septembre.
C'est là un beau défi, qui ne semble pas avoir été relevé par d'autres, du moins dans l'espace francophone. Nous entendons privilégier le neuf, tant dans les analyses que dans les illustrations, tout en rappelant les données essentielles. Les lecteurs restés sur leur faim (et ceux qui voudront, au reçu de la présente, prendre connaissance de la couverture) seront invités à se rendre sur le site du magazine :
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Tout cela devrait cohabiter harmonieusement avec le site auquel vous avez bien voulu vous abonner ou, inscrits par mes soins, rester abonnés. En cette rentrée, il s'enrichira, dans les tout prochains jours,
-de mes contributions, vieilles d'un an, au magazine sur la Solution finale que j'avais dirigé aux éditions Astrolabe;
-de deux nouveaux chapitres de "Nuremberg face à l'histoire";
-des pages du livre sur Mandel démontrant l'impossibilité radicale de son meurtre par la Milice, comme de celui de Marx Dormoy par la Cagoule.
A ce propos, nous souhaitons tous, je pense, que 2010 soit l'occasion de mieux sortir de l'ombre les efforts de Georges Mandel pour épargner à son pays un armistice séparé, et le soutien intermittent qu'ils ont trouvé chez Paul Reynaud. Ce devrait être l'occasion de tordre le cou à la légende, étayée par zéro document et zéro témoignage, de son meurtre sur l'ordre de Darnand ou de Knipping. Car ma démonstration de son assassinat par l'Allemagne sur l'ordre de son chef n'est même pas une nouvelle thèse historique : c'est tout simplement le résultat du premier examen de l'affaire, expéditivement tranchée jusque là dans la foulée des procès de la Libération, sur des données fournies par les nazis et trafiquées en conséquence.
Aucun historien ne devrait donc s'accommoder de certaines critiques faites à mon livre, souvent hélas par des militants qu'inspire l'esprit de la Résistance : elles procèdent d'un pur et simple refus de l'histoire, quand celle-ci se refuse à confirmer la noirceur d'un adversaire qui reste par ailleurs très noir, mais n'a pas commis tel crime précis. Mes séances de signatures à la fête de l'Humanité, les 15 et 16 septembre de 13 à 18h, promettent à cet égard quelques explications animées.
Quant au livre, en cours d'écriture, sur Mers el-Kébir, il s'annonce pour le mois de mars aux éditions de Guibert, désormais intégrées au groupe Desclée de Brouwer. Son sujet n'est autre, au fond, que la fin de l'appeasement britannique dont le dernier champion, Halifax, mène contre Churchill une action conspiratrice très ramifiée. Sa mise au jour tient hélas toujours du jeu de piste. Les archives sont rares : beaucoup ont probablement été détruites, et du reste, en temps de guerre, les fauteurs de paix ont soin de passer surtout par l'oral. Restent les actes, et les entraves disposées sur les pas du premier ministre, soucieux de se désolidariser avec éclat de l'armistice français en se montrant intransigeant sur le sort de la flotte de l'ex-allié, sont, lorsqu'on les étudie sous cet angle, très éloquentes.
Elles expliquent, en tout cas, la violence de l'affrontement et son lourd bilan humain : si l'amiral anglais Somerville n'avait pas eu le souci prédominant de désobéir à l'ordre de tirer et avait exploité l'effet de surprise dans une logique purement militaire, l'amiral français Gensoul n'aurait pas eu le loisir de se préparer au combat et à l'appareillage. Il ne lui restait qu'à faire évacuer les navires, puisqu'il ne voulait ni les donner ni les couler. Bien des gens agissent en cette affaire, comme si souvent depuis 1933, suivant un scénario écrit à Berlin. Mais Churchill, pour la première fois, le dérange de façon décisive, et précisément parce que le sang coule : Hitler pense que la "juiverie" s'est trouvé un chef aussi peu scrupuleux que lui et qu'il n'a plus qu'à jouer son va-tout. Il ne lui faut que dix jours pour réorienter vers un assaut prochain contre l'URSS les esprits de ses généraux.
L'attention sur la persistance et la virulence de l'appeasement pendant les premières semaines du ministère Churchill avait été appelée en 1990 par John Lukacs et John Costello. Les commémorations de 2000 avaient été beaucoup plus conventionnelles. 2010 sera ce que nous en ferons.
A ce sujet, je remarque ces jours-ci, dans les publications déjà parues pour commémorer le début du conflit, la vigueur du préjugé selon lequel Hitler ne s'attendait pas à ce que la France et l'Angleterre lui déclarent la guerre, et j'en tire quelques leçons dans le NOUVEL EDITORIAL.
Bonnes lectures et fructueux débats !