Robert Belot déclara qu'il avait entrepris cette recherche biographique sur Henri Frenay afin de comprendre les raisons du "déficit d'image" dont souffre le personnage du patron de "Combat" dans les mémoires...J'ai envie d'ajouter face à un Moulin qui fut, lui, surmédiatisé et dont les images sont surexploitées souvent sans aucune mise en abîme.
L'historiographie "gaullo-moulinienne" a bien sûr tendance à expliquer cette disparité de traitement mémorial( ou mémoriel ...?) par le talent politique supérieur démontré par le représentant du général de Gaulle auprès des Mouvements face à la naïveté - réelle ou exagérée - de Frenay, mais aussi par la valeur dramatique ajoutée à la fin terrible de l'ancien préfet supplicié : on est alors dans le mythe et ses représentations puissantes.
On apprend chez son biographe que Frenay avait, par son action pionnière, par son courage et par son charisme indéniable, les moyens d'être lui aussi mythifié et incarner une image forte dans l'Histoire et pour la mémoire de la Résistance, mais son désaccord politique et humain avec Moulin l'a marginalisé et a troublé son image au point que l'on a dû attendre 60 ans avant d'avoir un portrait humain et politique fiable de l'un des grands initiateurs d'une Résistance devenue consensus national absolu ! C'est incroyable mais c'est ainsi...
Pour l'exercice, imaginons un instant la même somme d'énergies mises au service de la construction d'un Frenay aussi idéalement héroïque et prêt à l'emploi pour le grand consensus que celles dépensées par les gaullistes - mais pas seulement - pour "faire" le Jean Moulin contemporain: Frenay serait lui aussi devenu un "mythe absolu".
Cordialement,
René Claude |