... ne tue ni instinctivement, ni aveuglément.

Il faut toujours en revenir au jeune Hitler de 30 ans, récemment converti à l'action politique et dissertant sur la question juive le 16 septembre 1919 : il trouve que s'il y a une chose à ne plus faire, c'est bien les pogroms. Il convient de quitter l'antisémtisme "passionnel" pour un autre, "rationnel".

Ainsi, lorsque le Juif Mandel est trucidé par des hommes de main encartés à la Milice, mais commandés directement par le n° 3 des SS en France (un fait ignoré jusqu'à nos jours parce qu'eux-mêmes ont préféré se peindre en fanatiques autochtones et que la justice pénale a considéré de tels aveux comme suffisants pour fonder leur condamnation), c'est après qu'Abetz eut annoncé à Laval la "livraison à la France" (c'est-à-dire au gouvernement de Vichy), pour qu'elle les fusille après un procès rapide, de Mandel, Blum et Reynaud.

La raison de la survie des deux derniers est donc claire : en tuant Mandel on montre qu'on ne plaisante pas, en épargnant les deux autres on se dote d'une épée de Damoclès.

On peut donc compléter votre question par un "pourquoi Mandel ?". Ici sans doute peut-on faire une place aux affects du dictateur, pour qui Mandel symbolise bien mieux que Blum l'hostilité de la "Juiverie" à l'Allemagne : famille alsacienne ayant choisi la France en 1871, bras droit de Clemenceau, fer de lance de l'antinazisme dans la droite française, homologue français de Churchill...

Il y a aussi une possibilité plus vicieuse : Pétain a eu avant le virage de son régime vers une collaboration sans aucun garde-fou (que je situe au lendemain de Mers el-Kébir) les meilleurs rapports personnels avec Reynaud comme avec Blum. Avec Mandel au contraire le torchon brûlait depuis longtemps, et tous les coups étaient permis, et assénés, depuis le 17 juin, date de la première arrestation et de l'humiliante lettre d'excuse. Hitler, en l'immolant, a l'air d'aider Pétain à régler un vieux compte personnel... et celui-ci, en fermant sa g., et en laissant son vieux compagnon Xavier Vallat, successeur d'Henriot à la radio, baver sur la tombe ouverte, a l'air d'accepter le cadeau.