Bonjour,
Il me paraît effectivement difficile d'aborder la question de la culpabilité ou de l'innocence de Petloura sans avoir lu le livre de Lecache. Pour autant, s'en tenir à son "recueil de témoignages" sujet à bien des cautions me paraît être partisan. Même si Lecache a eu à subir les injures de l'extrême-droite française, cela n'en fait pas, lors de son voyage en Ukraine, (soigneusement encadré par les Soviétiques) un témoin impartial (il ne recueillit, sauf erreur, aucun témoignage direct). Lecache était parti en Ukraine "soviétisée" accompagné de l'avocat de Schwartzbard (ce qui n'est tout de même pas anodin) et convaincu dès avant son départ (et de son propre aveu) de la culpabilité de Petlioura. Lecache était nécessairement une sorte de "témoin à charge", en aucun cas un enquêteur rigoureux.
Il ne s'agit pas pour moi de prendre fait et cause pour ou contre Simon Petlioura, mais d'essayer d'y voir un peu clair. Or, il est bien connu que pour obtenir de bonnes lunettes, deux verres sont nécessaires. Je ne peux pas plus me contenter du seul Lecache que des seuls écrits de nationalistes ukrainiens : les deux sont partisans.
De la même manière, il ne serait pas très honnête de faire systématiquement endosser une chemise nationaliste, ultra-droitière ou antisémite à quiconque met en doute l'équité du procès de Schwartzbard ou la culpabilité de Petlioura. Or je sais que pour beaucoup, on est vite suspect dès qu'on touche à Petlioura (Viktor Iouchtchenko lui-même a été traité d'antisémite parce qu'il s'était recueilli sur la tombe de "l'otaman").
A mon tour d'inviter à la clarté avec les ouvrages de Léon Poliakov à qui on aura bien du mal à faire endosser une chemise antisémite ou ultra-droitière. Cela dit, je ne m'appesantirai pas sur ce hors-sujet. Les Ukrainiens ont fort à faire avec leur histoire singulièrement complexe : elle demeure à écrire. Et c'est bien connu, l'Histoire ne s'écrit pas avec des emporte-pièces. L'érudit qui se sent capable de démêler avec précision l'embrouillamini ukrainien de la période du Directoire, je ne l'ai hélas pas encore trouvé. La soldatesque sur les routes ukrainienne était nombreuse en 1919 : rouges, blancs, anarchistes, patriotes ukrainiens, Polonais, et j'en passe !
Cordialement
PB
PS : De manière accessoire, j'attire l'attention sur le fait que j'ai toujours entendu les vieux petliouristes (j'en ai connu quelques-uns) refuser l'épithète "nationaliste" et se prétendre "patriotes". Les néo-nationalistes ukrainiens qui se réclament aujourd'hui de Petlioura se fourrent donc le doigt dans l'œil. |