Je me permets d'intervenir dans ces échanges, occasionnés par un ouvrage dont je persiste à penser qu'il est "globalement positif", comme dirait l'autre, alors qu'on en arrive à son 10ème anniversaire. Je ne regrette cependant pas d'avoir été le premier à faire éclater le scandale d'une introduction à la fois inappropriée, inexacte, racoleuse et politiquement manipulatrice, publiée malgré l'opposition maintes fois exprimée par une part essentielle des collaborateurs du livre. Mais l'arbre ne doit pas cacher la forêt: traduit en 29 langues, le "LNC" a contribué à la fois à historiciser enfin la question du communisme de pouvoir, à faire rebondir les investigations sur un passé douloureux dans nombre d'anciens pays de l'Est, et à poser dans toute son ampleur la question de la caractérisation d'un système, dont la nocivité ne pouvait éternellement se dissimuler sous la prétendue noblesse de ses idéaus initiaux.
paragraphe De manière plus directement polémique, je ne comprends pas qu'on puisse avancer que cette manière de voir les choses soit désormais dépassée. Il n'est que de voir ces temps-ci l'incroyable déferlement hagiographique concernant Che Guevara et le castrisme, sur toutes les chaînes de télé et en librairie, et de l'opposer au déferlement comparable d'images démoniaques des USA, de Bush, de la mondialisation qu'on nous sert de tous côtés. Le travail est loin d'être achevé ! En Occident tout au moins, le nazisme a encore renforcé sa prééminence sur le "côté obscur" de l'histoire. Il est vrai que, en dehors de Cuba, les "modèles communistes" sont sérieusement éventés. Mais c'est au prix d'une sorte de banalisation faite d'oubli et de sentiment d'obsolescence. D'où la popularité d'un Besancenot dans la jeunesse: qu'il se réclame explicitement de régimes massivement terroristes et dictatoriaux ne provoque pas le quart du dixième de l'indignation entraînée par le moindre borborygme d'un Le Pen. J'ai même été gêné par l'indignation unanime provoquée par la répression en Birmanie: à immédiate proximité, le Vietnam et le Laos communsites ont commis des crimes bien plus étendus, et leurs régimes demeurent bien plus dictatoriaux - mais cela ne fait pas de vagues...
Quant au Siècle des communismes, ouvrage que j'ai bien sûr dévoré dès parution, il m'avait globalement déçu, malgré quelques bons chapitres. D'une part il n'explicite jamais sérieusement son propre titre: pourquoi refuser de parler "du" communisme, comme si ce système n'avait d'autre unité que nominale. Après tout, que Venise au XVe siècle, les Etats-Unis au XIXe ou la Chine d'aujourd'hui présentent de menues différences n'empêche pas de bons auteurs de parler "du" capitalisme. Je vois dans ce "des" une simple facilité pour tenir à distance ce qui vous dérange, et ne conserver que ce qui vous arrange. D'ailleurs nombre de contributeurs, oublieux de la consigne, ne se privent pas d'évoquer "le" communisme.D'autre part, si critiquable que soit le LNC, il a au moins le mérite de prendre au sérieux la dimension mondiale du communisme, consacrant une très large part à l'Asie, à l'Europe de l'Est, à l'Amérique, à l'Afrique. De ce point de vue, Le siècle est régressif: comme à l'habitude dans l'Hexagone, l'attention se reporte presque exclusivement sur les communismes soviétique, français et italien. Le chapitre sur la Chine est petit et particulièrement faible |