Je vois ce que vous voulez dire, mais encore une fois, et si je vénère moi-même le petit détail ("Vous savez, inspecteur Columbo, vous êtes plutôt agaçant dans votre genre..."), je pense qu'il y a toujours la possibilité d'insérer des remarques d'ordre général. Pas nécessaire, à ce titre, de rédiger tout un article là-dessus, mais quelques paragraphes très concis auraient suffi. Et ils n'auraient pas gobé trop de place - les pages noires "débat" le prouvent, au demeurant - et elles introduisent d'ailleurs des éléments plus globaux.
De telles considérations macro éclaircissent l'événement micro. Prenons un exemple : page 81, vous rappelez à très juste titre que "la pression permanente exercée par Churchill amène Wavell à monter dans la précipitation des attaques coûteuses". Oui, mais pourquoi Churchill fait-il pression sur Wavell ? Le lecteur pourrait être amené à croire que le Premier Ministre britannique agit comme un enfant gâté qui cherche à traumatiser son infortuné général - et j'ai pu constater que cette réputation de "gros crétin militaire" visant Churchill résulte moins de faits précis que de tels raccourcis, aussi innocents soient-ils. Or, si Churchill ne lâche pas Wavell d'une semelle, c'est pour une raison très simple : il joue tout simplement son poste de chef d'une nation en guerre. Il pare au plus pressé à toutes les manoeuvres de Hitler.
Ladite "pression permanente" vise en effet également la Royal Navy pour qu'elle torpille le Bismarck, la R.A.F. pour qu'elle abatte davantage d'avions allemands, les garnisons d'Irak et de Palestine et l'armée d'Ethiopie. Il n'y a rien de capricieux, ni même de mauvaise réaction à la blessure infligée, en maints endroits, à son orgueil personnel via l'orgueil national. Tout simplement, il fait la guerre contre Hitler. Une lutte personnelle aux enjeux planétaires. Son obsession, c'est moins lui-même que le dictateur nazi. "Vous savez, avait-il dit à son chef de cabinet en juin 1940, je puis vous permettre acharné, mais je ne m'acharne que sur un homme : Hitler."
C'est ce qui manque à votre étude, même s'il s'agit là du seul reproche que je pourrais formuler. Aucune unité militaire, aucune bataille, aucune campagne ne peut être analysée sans référence au contexte global. Si la Deuxième Guerre Mondiale était effectivement mondiale, un événement même mineur entraînait par conséquent des répercussions mondiales.
Mais je ne veux pas que vous vous mettiez à croire que je n'estime pas votre travail, bien au contraire. Pas besoin d'énumérer une nouvelle fois ses évidentes qualités. Vous n'êtes d'ailleurs pas obligé d'approuver mon exposé de la stratégie globale de Hitler et Churchill - si cela se trouve, je me plante complètement... |