Bonsoir ou bonjour,
Ces hommes - civils et militaires - qui dès juillet 1940 oublient leur premier élan résistant et se soumettent au nouvel ordre vichyste ont tous suivi le parcours classique des serviteurs loyaux de la 3e République (Un Boisson, par exemple, est un bon républicain dont la carrière est jugée exemplaire jusqu'en septembre 1940). Ils ont appris à obéir et à se faire obéir et, lorsqu'ils transmettent les ordres de leurs supérieurs (ministres) à leurs subordonnés (grands et petits fonctionnaires ou généraux et lieutenants), reproduisent ce que l'Etat attend d'eux, un Etat qui les remercie et les flatte avec de l'avancement et des honneurs. Si quelques uns, et non des moindres, se sont un bref instant révoltés contre l'Armistice et cette collaboration dont on commençait à prononcer le mot dans les hôtels et les parcs de Vichy, ils s'arrêtèrent net car ils n'eurent pas la capacité morale et intellectuelle qu'eut de Gaulle de s'insurger contre une vie d'obéissance et contre ce qu'il faut bien nommer un confort intellectuel paralysant.
Franchir le Rubicond à l'été 40 exige une forte volonté mais aussi le courage douloureux de rompre avec ce que l'on croyait être les fondements d'une existence de serviteur de l'Etat, civil ou militaire. On se rend compte que plus le poste occupé est important, plus la crainte de perdre les acquis est angoissante et ce n'est pas un hasard si les premiers à avoir rallié Londres et de Gaulle furent, pour la plupart des lieutenants et des capitaines, l'amiral Muselier (mis à la retraite par Darlan) et le général Catroux étant à l'été 1940 de notables exceptions. Et ce constat s'applique également au personnel civil issu de la 3e République.Les ministres qui n'avaient pas accepté l'armistice et la méthode Laval n'ont pas pu, su ou voulu bouger...
Cordialement,
René Claude |