Marie Louise Charbonnel
Le destin mystérieux d’une ambulancière.
Cette ambulance allait connaître un destin tragique et curieux. Elle est conduite par une « Rochambelle »(Conductrice ambulancière du groupe Rochambeau), Marie Louise Charbonnel.
Engagée volontaire comme ambulancière à la Croix Rouge en novembre 1939, cette fille de colonel s’est brillamment conduite en 1940, ce qui lui a valu deux citations. Elle se marie en 1941, se lance dans la résistance, au réseau Alliance, installe chez elle un poste radio qui correspond avec les Anglais. Décelée, elle gagne un maquis, puis Londres en janvier 1944. En mai 1944, alors que la 2e DB est en Angleterre, elle réussit à s’engager comme ambulancière au groupe Rochambeau.
Après avoir quitté Ecouché, Marie Louise se trompe de chemin. Elle s’engage sur la route d’Argentan au lieu de bifurquer sur la route de Sées et d’Alençon. Elle va en plein chez les Allemands, elle se jette dans la gueule du loup.
Le soir, on retrouve son ambulance incendiée au bord de la route. Les Allemands l’ont canonnée malgré le grand insigne de la Croix Rouge bien visible. Deux corps carbonisés sont allongés dans la voiture : celui du spahi marocain qu’on lui avait affecté comme infirmier, et celui du pauvre Bosquet. De Marie Louise, on ne trouve que son blouson ensanglanté. Elle a disparu.
Selon le témoignage un peu vague d’un Américain alors prisonnier des Allemands, Marie Louise Charbonnel n’aurait pas été tuée ; elle serait sortie à peu prés indemne de son ambulance et elle aurait été emmenée par les Allemands. En tout cas, un fait est certain : son corps n’a jamais été retrouvé.
Plusieurs années après, la nouvelle a circulé qu’elle était dans un camp soviétique en Sibérie orientale, exactement au camp de Magadan. Les Allemands auraient reconnu en elle une ancienne résistante, et l’auraient internée en Allemagne ; délivrée par les Russes, elle aurait été emmenée par eux en Sibérie.
Selon des témoignages, une Française correspondant à son signalement travaillerait comme infirmière à l’hôpital de Magadan. Un Tchèque, qui a transité par Magadan avant d’être rapatrié, a vu une Française, la seule du camp, qu’on appelait Maroussa ; la description qu’il en a donnée correspond au signalement de Marie Louise.
Lors d’un voyage officiel en Tchécoslovaquie, j’ai tenté de joindre ce témoin. Les autorités tchécoslovaques me répondirent qu’il avait disparu. Quand Khroutchtchev vint à Paris, j’eus l’occasion de lui soumettre l’affaire. Il me jura ses grands dieux qu’il n’y avait plus de camps de ce genre en URSS. Le mystère demeure.
Raymond Dronne (Carnets de route d’un croisé de la France Libre, France Empire 1984)p.286 |