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| | Les Bienveillantes / Jonathan Littell La littérature c'est ça par J. Littell de René CLAUDE le mercredi 25 avril 2007 à 18h42Sur son blog P. Assouline a déposé un compte-rendu/compilation de la conférence donnée ce jour à Normale Sup par Jonathan Littell ou : la littérature, c'est ça.
Un écrivain n’a pas à expliquer ce qu’il a fait. Seul compte le résultat. Il ne doit aucune explication, n’a pas à critiquer la critique et n’est pas tenu de s’étendre sur ses intentions. L’objet des Bienveillantes, c’est le meurtre politique, le meurtre d’Etat et non celui perpétré par un individu… Le discours historique se heurte vite à des limites, la psychanalyse aussi qui n’a pas produit grand chose dans le domaine de l’analyse politique, sauf peut-être ce livre d’un chercheur allemand expliquant que le fascisme n’est pas une opinion politique mais un symptôme… On ne peut pas dissocier une explication du constat que le Mal est le fait d’hommes comme nous, des gens qui dorment, qui chient, qui baisent et qui ont le même rapport que nous au corps et à l’angoisse de la mort, la pensée venant après. Tous les tueurs sont comme nous. Pourquoi certains deviennent-ils des tueurs et d’autres non ? Si l’on écarte les 10% de psychopathes et les 10% de réfractaires (les Scholl, le pasteur Niemöller), que fait-on des 80% d’Allemands normaux qui se sont retrouvés à participer en masse à la tuerie ? Je suis convaincu que les barrières ne sont pas individuelles mais sociales (juridiques, interdits). Dans l’humanitaire, la négociation avec les bourreaux est quotidienne, ça aide à comprendre certains mécanismes que de cotoyer des gens qui massacrent toute la journée comme le font les bouchers à l’abattoir. Mais on ne pourra pas éradiquer le Mal : c’est là et ce sera toujours là. On peut juste limiter la casse, avec l’humanitaire exemple. Les barrières doivent être renouvellées et retravaillées en permanence. Le tabou ne suffit pas. Au fond, il n’y a rien dans Les Bienveillantes qui n’ait déjà été dit et écrit sur le sujet. En 1947, Georges Bataille décrivait parfaitement comment et pourquoi les bourreaux sont nos semblables. Mon livre permet de réfléchir sur la limite quand l’homme socialisé peut la franchir. L’essence du Mal, je ne sais pas ce que c’est. Le Mal est un effet, un résultat et non une chose qui est là, même si les théologiens l’ont essentialisé. Dans le cas du viol, on peut saisir l’acte, mais au-delà… Parlons de mal plutôt que du Mal…Avez-vous remarqué qu’il n’y a pas d’historiens de la Shoah qui ait une expérience personnelle de la guerre du Vietnam ? Leur référence dans leur chair, c’est la deuxième guerre ; bientôt ce sera le Vietnam et l’Irak…. Pourquoi ce nom de Max Aue pour mon personnage principal ? Je n’ai pas de réponse. J’aime bien l’idée d’un nom sans consonne. Comme tout romancier, je dresse des listes, je collectionne des noms. Mais j’ignorai qu’il y en avait eu un qui fut critique d’art autrefois. Je viens de recevoir une lettre d’une famille m’avisant que leur père s’appelle Maximilien Aue et qu’il est prof en Amérique, la lecture de mon livre les rend bizarres… Albert Speer ? Je n’aime pas trop, je le maltraite d’ailleurs dans mon roman car je ne crois pas à cette légende du “bon nazi” qu’il s’est fabriqué après coup, de celui qui ne savait pas alors qu’il contrôlait tout le ravitaillement. Il refuse de voir les conséquences de ses actes. Il est la parfaite illustration de la déconnexion entre meurtre d’Etat et meurtre individuel… C’est vrai, au cours de la rédaction des Bienveillantes, certaines choses m’ont dépassé, elles m’ont échappé, mais je n’ai rien à répondre là-dessus. Je me refuse à expliciter. La littérature, justement, c’est ça.
C'est clair, précis, sans esbrouffe ni métalangage exclusif, c'est remarquable. Sous le résumé d'Assouline, Il y a un ton,celui de Littell, sa petite musique à lui. Et le reste est tout, sauf la littérature.
Le blog d'Assouline : |
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