"Les Etats n'ont pas d'amis, ils n'ont que des intérêts", disait de Gaulle. Qui avait par ailleurs le sens des alliances et de ce que la France pouvait et ne pouvait pas faire seule.
La genèse du gâchis de la non-intervention, en 1936, est connue : Blum voudrait au moins honorer les commandes d'avions passées par le gouvernement républicain avant le putsch, Londres lui fait savoir qu'il prendrait la chose très mal et il s'incline sans phrases (mais est cependant, on le sait depuis peu, contraint de faire jouer en conseil des ministres sa voix prépondérante de président). Il y avait de la lâcheté à céder mais quelle héroïque audace, intellectuelle avant tout, n'aurait-il pas fallu pour passer outre ? D'autant plus que Churchill, déjà en flèche depuis des années dans la dénonciation du danger nazi, était quasi-franquiste au début. Et après tout, on peut aussi plaider (ce que ne fait pas Blum et encore moins le PCF) que Largo Caballero est bien gentil, mais que l'intérêt vital de la France est ailleurs, qu'elle ne doit pas se disperser et que d'ailleurs l'Espagne a de fortes allures de diversion hitlérienne.
Donc pas d'autre solution au fond qu'un réveil de la belle SDN au bois dormant pour mettre à plat tous les dossiers... en sommant le très wilsonien Roosevelt d'y occuper enfin son siège, et fissa. C'est là que la Carabosse hitlérienne rentrerait dans le néant; si les nations décident en ordre dispersé, le maître diviseur garde la main. Mais encore une fois, personne ne le voit dans ce rôle (les communistes un peu, mais outre qu'ils sont subordonnés à la changeante conception stalinienne de l'intérêt d'Etat soviétique, ils font l'erreur lourde de conséquences de croire Hitler otage de Krupp).
Après 45, là, vraiment, la décision est à Washington... mais l'Angleterre aussi joue son rôle. Churchill a pris fermement parti pour le maintien de Franco, en 1944, pour convaincre les bourgeoisies européennes (et américaine) qu'elles n'avaient rien à craindre de la chute de Hitler (dont il ne vend pas la peau avant le 30 avril 45); même chose en Grèce où le même Churchill écrase les résistants communistes à Noël 44. Et il obtient pout le tout le soutien tacite de Staline, rencontré à Moscou en octobre de la même année, en prélude à Yalta. Quant à de Gaulle, il a assez à faire pour prendre la France en main et mater ses propres communistes. A tort ou à raison il considère la région toulousaine comme la plus turbulente (affaire Ravanel) et ne saurait y tolérer la base arrière d'une revanche de la guerre civile.
Tout ça n''excuse personne, mais montre la complexité des problèmes. |