Une brève critique de l'essai de F. Dufay publiée dans le dernier N° de la revue L'Histoire :
Les « hussards », c’est ainsi qu’on a pris l’habitude de désigner une poignée d’écrivains de droite – Nimier, Laurent, Blondin, Déon et quelques autres –, une équipe de jeunes mousquetaires qui après la Seconde Guerre mondiale a constitué un bloc de résistance face à l’existentialisme et au marxisme dominants, au nom d’une littérature « désengagée ». Le style contre la politique ! Ils se sont réclamés de deux modèles autrefois glorieux, deux « rescapés de l’épuration », qui n’avaient pas renoncé à leurs vieux démons : Jacques Chardonne et Paul Morand. François Dufay narre dans cette chronique littéraire savoureuse le système d’échanges qui se réalise entre les deux « grognards » envahis par le ressentiment et les godelureaux aux longues dents qui les adulent.
Guerre froide, guerre d’Algérie, retour au pouvoir du général de Gaulle – « Gaulle » tout court, s’acharne à écrire Morand – remplissent cette saga riche de talents, de drôlerie et de complots sans lendemain. Mais l’auteur montre la supercherie : ces hussards fustigent la littérature de gauche parce qu’ils ont été pour la plupart, et plus ou moins directement, mouillés dans la politique des vaincus de 1944. Ils montreront leur vrai visage, qui n’a rien d’apolitique, au moment de la guerre d’Algérie, allant jusqu’à soutenir l’OAS.
Un des mérites de ce livre est de nous faire découvrir la correspondance inédite entre Chardonne et Morand, qui dépasse la permission d’être vachard avec les confrères et les amis. Du soufre, assurément, mais que tout cela sent en même temps le moisi ! A droite aussi, l’envers de la guerre froide a ses placards véreux, peut-être moins connus que ceux des « compagnons de route » : cet ouvrage vient à point pour en ouvrir les portes.
Une correspondance explosive et teigneuse, assurément. C
Cette critique, plus équilibrée, reconnaît les apports cette étude.
RC |