Si tu en es d'accord, conformément à la vocation de ce forum, nous allons nous concentrer un moment sur le livre de Roseman, qui m'apparaît comme une des dernières digues du fonctionnalisme. En l'occurence, les pages introductives du chapitre 1 sur intentionnalisme et fonctionnalisme, et la phrase sur Hitler que j'ai citée hier et que je rappelle :
"Au centre du processus se tenait Hitler qui donnait le ton, traçait les limites, autorisait toutes les mesures les plus radicales et déployait un édifice rhétorique dans lequel pouvaient s’abriter les actions les plus brutales. Plus que tout, plus qu’aucun autre, c’est lui qui définit le rythme et la direction du voyage que firent ses hommes. Ce sont des signes de lui qui amenèrent l’antisémitisme au coeur des préoccupations du SD, ou qui incitèrent le ministère de l’Intérieur à constamment grignoter les droits civils des Juifs pendant presque toute une décennie." (p. 130-131)
Ce Hitler-là est tout sauf un planificateur, mieux, un prophète politique inouï, terriblement efficace pour faire advenir ses lubies. Les besoins de la société allemande ne sont pas, comme dans le fonctionnalisme des temps héroïques, au commandement, mais lui ne l'est pas vraiment encore.
C'est bien un Rubicon franchi, que de dire : le judéocide fait partie intégrante du programme.
Cela dit, ses dimensions sont fonction des circonstances.
L'éventualité d'une paix séparée germano-soviétique fin septembre ou début octobre 41 est pour l'instant une hypothèse, que je partage avec Churchill (qui se met en quatre pour y parer) et que je reproche à mes collègues de ne même pas faire. Elle est en tout cas cohérente avec tout ce qu'on sait de Hitler quand on daigne le regarder tel qu'il est, càd un prudent qui aime ne jouer qu'à coup sûr, ce dont Churchill le frustre depuis fin mai 40.
Je trouve curieux qu'on dise que le sort des Juifs était scellé même si Hitler perdait la guerre. Et je maintiens qu'il aurait été forcé de retenir son bras s'il avait à un moment quelconque atteint son objectif le plus caressé : la paix.
Sauf bien sûr dans le cas d'une victoire totale qui aurait mis le monde entier à sa botte, mais je tiens à rappeler que ce n'était là qu'un fantasme, diversement partagé (y compris hélas par beaucoup d'historiens ou de publicistes divers encore aujourd'hui), et nullement, dans son esprit, un objectif.
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