Voici ce qu'écrit Frenay dans "le nuit finira", page 531.
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Fin mai 1945, en introduisant une action judiciaire contre L'Humanité, je n'ignore pas qu'il faudra attendre plusieurs mois avant que ne s'ouvre le procès. Pour répondre aux calomnies des communistes et faire connaître immédiatement au public la vérité, je dispose d'un moyen : le journal Combat.
Je prépare donc une série de quatre articles où, après avoir fait litière des mensonges et des diffamations, j'élève le débat au niveau de la morale politique la démocratie ne peut fonctionner que par une information du publie exacte et honnête ; mensonge et diffamation empoisonnent l'opinion et faussent le jeu démocratique. En conséquence, ils doivent être frappés par la loi, non par des peines symboliques, mais avec la plus extrême rigueur.
Quand, rue Réaumur, au siège du journal, je présente mes papiers à Pascal Pia, il ne me cache pas son grand embarras.
- Vois-tu, me dit-il, je ne peux prendre sur moi de publier tes articles. Cette attaque directe contre le parti communiste pose des problèmes de tous ordres. Je dois en parler d'abord aux camarades de la rédaction avec qui nous faisons équipe. C'est l'affaire de 24 heures. Je pense que tu ne m'en voudras pas de ne pas te donner ma réponse à l'instant même...
Le lendemain la réponse, bien qu'assortie de propos fort amicaux, est négative. Cet incident pose avec acuité la question de savoir qui dirige le journal et qui en est propriétaire. Certes, dès mon retour à Paris en septembre dernier, j'avais songé à régler cette question avec la dernière équipe clandestine, la même d'ailleurs qui aujourd'hui se refuse à prendre mes articles. Bien à tort, je le vois maintenant, j'y avais renoncé. Ma confiance en ces amis était grande, et puis La charge de mon ministère m' avait fourni beaucoup d'autres préoccupations.
Claude Bourdet, après un mois de repos, vient de rentrer à Paris. (ndj il revient d’un camp de concentration) Il pense comme moi que l'attitude de Pia et de ses amis n'est guère défendable et que nous devons sans tarder faire valoir nos droits, car enfin j'ai été moi même le fondateur du journal, à Grenoble, en octobre 1941 avec Menthon; j'ai inventé son titre et l'ai même dessiné. Claude, après mon départ de France, en était le patron et a écrit de nombreux éditoriaux.
Un procès ?... Il ne peut en être question entre camarades de la Résistance ! La seule voie possible est dans un arbitrage entre Bourdet et moi d'une part, Pascal Pia et ses amis d'autre part. Ceux-ci en sont d'accord.
Ainsi commence une interminable procédure au cours de laquelle nous aurons la surprise d'apprendre que le titre Combat, peu après la Libération, avait été déposé par Jean Bloch-Michel, gérant de la société, constituée elle-même sans que j'en aie été avisé.
Il serait trop long de relater ici le détail de ces chicanes qui s'étendirent sur plusieurs années. La disparition de l'équipe Pia, par suite d'une gestion malheureuse, l'entrée en scène d'Henry Smadja, seul capable avec ses millions de sauver le journal au bord de la faillite.
En 1954, nous tenterons une ultime démarche, uniquement pour conserver à la "collectivité Combat", ce titre sous lequel tous nous avions combattu et qui fut en quelque sorte notre drapeau. Un nouveau compromis d'arbitrage sera établi, Georges Izard et Pierre Mendès France étant arbitres. Il devra être interrompu d'abord parce qu'il était impossible à mes amis et à moi de supporter les frais élevés de cette procédure, mais aussi parce que P.M.F., devenu président du Conseil, dut renoncer à son rôle d'arbitre et c'est pourquoi Henry Smadja dispose, encore aujourd'hui où j'écris ces lignes, du journal que nous avons fondé. |