j'avoue ne pas trop comprendre les querelles autour de l'AOC "Français Libre", selon qu'on s'est engagé à 16h45 ou 17h00 de telle année... De Lattre n'était-il pas resté fidèle à Vichy, comme de nombreux militaires qui devaient avant tout subordonner leurs propres idées aux principes de leur pays? Ils sont pourtant devenus, pour beaucoup, les hérauts de la Libération et personne n'aurait à l'esprit de leur jeter la pierre! Mais je suis sûr que vous viendrez bientôt éclairer ma lanterne...
Je n'éclairerai peut-être pas votre lanterne, d'autres le feront mieux que moi, mais je vous livre ici une piste de réflexion.
Car sur les engagements à telle heure, tel jour, nous voyons aujourd'hui cela avec un oeil peut-être surinformé par les centaines de livres qui ont écrits sur ces sujets. Mais en 1943, aucun livre n'avait encore été écrit... Il faut savoir que dans les premiers mois de 1943, il régnait semble-t'il une belle pagaille en AFN. Les jeunes gens comme mon père (civils peu instruits) qui arrivaient d'Espagne et qui souhaitaient "rejoindre de Gaulle", pour résumer, étaient ballotés de "bon plans" en "tuyaus", de "rumeurs" en "combines". En stop, en train, à pieds, ils tentaient de "trouver leur place" en courant d'un bureau de recrutement à un autre, tentant aussi de rester si possible avec les copains.... Et puis, comme ils n'avaient pas de portables, ni de radio, ni de Tv, ils ne savaient pas très bien ce qui s'était passé, se passait ou se passerait encore... Ils voulaient combattre le seul ennemi qui apparaissait devant leurs yeux: l'Allemagne nazie.
Je reviens sur l'ami de mon père qui, rêvant de rentrer dans les "escadrilles gaullistes", fut refusé car pas assez fort en maths (!), puis refoulé de l'Aéronavale, car il portait l'insigne FL, refoulé de l'Aéronautique à la visite médicale... il tenta de rejoindre la 2e DB, mais les recruteurs ne lui laissèrent aucun espoir. Il fut finalement affecté comme... cuisinier (re-!) au Qg de Larminat.
Mon père, engagé à la 1e DFL en juillet 43, fut affecté comme chauffeur (il savait conduire) au QG de Larminat également. Ensuite ce fut une succession d'AOC... Le CEF en Italie, St Tropez avec de Lattre, puis, de Larminat parti, le QG passa sous les ordres du général de Monsabert. Il côtoya ensuite les FFI (une autre OAC) dans les Vosges-Alsace... Il faillit même partir en Indochine. Et termina dans un régiment "pur sucre" de l'Armée d'Afrique, toujours comme chauffeur de son colonel, nommé à la tête d'un régiment du Génie. Il vit la fin de la guerre en Autriche, à coté de la 5e DB et de la 4e DMM.
Ce qui explique les différents "patch" accrochés sur ses "reliques" de guerre.
Vous le voyez, je crois bien qu'on ne choisissait pas vraiment son AOC. Pendant que les chefs se livraient une guerre franco-française, pendant que certains étaient remplacés par d'autres dans des circonstance de rivalité d'état major, pendant que de Lattre tentait "d'amalgamer" et que Leclerc restait sous les ordres américains, eh bien, les autres, tous les autres, devaient avancer, piquer de l'essence aux Américains, se battre et/ou faire leur "boulot". Ils n'avaient guère le choix.
Cela explique pourquoi j'ai tenu a rendre hommage à "toutes les AOC", d'une façon peut-être naïvement réconciliatrice, mais qui est simplement celle de la fille d'un soldat lambda
Frédérique |