Il y a toujours ce hiatus inévitable entre le roman original et l'adaptation filmée réductrice. Peu versé dans le "militaria", les erreurs techniques me gênent moins que les raccourcis, les simplifications et les dialogues comportant des éléments apocryphes. Dans le bouquin de F. Fajardie, les personnages principaux sont plus nuancés. Le film joue l'exagération et ça m'a gêné.
Je n'ai malheureusement pas lu l'ouvrage - j'aurais du, puisque c'est du Fajardie. Quoique d'allure simpliste - mais d'allure seulement -, ses ouvrages n'en sont pas moins extrêmement fouillés, lourds d'implications... mais les films qui en résultent sont généralement constellés de stéréotypes, comme s'il était impossible de retranscrire à l'écran la part d'ombre et de lumière de chaque personnage du roman.
Qu'en pensez-vous (si vous l'avez lu) :
Certains "notables" pacifistes du village m'ont un peu fait penser à quelques unes des figures du Uranus de Marcel Aymé, un roman très caricatural et plutôt "réactionnaire/anar de droite" dans le sens où l'auteur renvoyait dos-à-dos résistants et collabos, communistes et fascistes après la libération... Mais la ressemblance s'arrête là. Fajardie est un auteur qui fut longtemps très à gauche avant de signer un petit livre où il exposait son doute et son dégoût après des années de mitterrandisme. Son écrivain ancien de la guerre d'Espagne est un personnage récurrent chez cet écrivain mordu d'Histoire contemporaine. (et sympathique.)
Je ne suis pas sûr qu'Uranus soit si caricatural - quoique le terme "anar de droite" convienne, à la réflexion, assez. Comme dans le cas du téléfilm, il y a comme la volonté de faire le portrait de la France par le biais d'un petit village. Il s'agit moins de porter des jugements que de dresser le constat d'un peuple à la dérive, chamboulé par la guerre, aussi bien en 1940 qu'en 1945. Marcel Aymé y va fort avec les communistes, et y décrit par le menu une société totalement viciée, suintant la pourriture. Est-il sûr qu'il ait été si éloigné de la réalité, à l'heure où la Guerre Froide tournait à plein régime et que les profiteurs de guerre tenaient le haut du pavé, alors que le pays peinait à se remettre du chaos ?
Quant à Fajardie, il a fait partie de cette gauche intellectuellement violente ne créant que des souvenirs amers. Mais son oeuvre témoigne dans le même temps d'un profond humanisme, un genre d'idéalisme cynique (!) plutôt réjouissant. |