Bonsoir ou bonjour,
France 3 a diffusé ce soir (29 décembre) un téléfilm de S. Grall, "Un petit parisien" qui est un peu le journal quotidien d'un enfant sous l'Occupation. Après la mort d'une mère adorée, le cadet qui a "oublié d'être bête" comme le dit sa grand-mère, commence à voir sa famille se déliter. Le père est prof, écrivain et journaliste. Il couche avec une grue et exploite l'admiration amoureuse d'une étudiante qui devient sa secrétaire. Socialiste münichois, il accepte de donner des papiers à une presse parisienne où les "nouveaux messieurs" chantent la collaboration. Alors que les Alliés avancent, il finira par diriger un journal pro-européen financé par les nazis où il croira pouvoir exposer ses idées "socialistes" et pacifistes. Il a tout accepté : la défaite, Pétain, l'exclusion de ses collègues juifs et gaullistes, les déportations et l'argent nazi. Sans jamais l'affronter ouvertement, son fils cadet le regarde s'enfoncer dans l'ignominie. Arrêté lors de l'épuration, il sera libéré grâce aux efforts constants de la jeune étudiante, devenue la mère de son 4e enfant. Elle l'aime encore et va l'attendre lors de la levée d'écrou, mais il repartira avec sa grue qui l'attendait aussi !
Cette fiction bien menée m'a fait penser à la trajectoire de certains des écrivains dont François Dufay rapporte le voyage en Allemagne organisé par les services de Goebbels.
La fragilité politique de ces auteurs talentueux et le besoin d'être publiés à tout prix les ont conduits à accepter les pires compromisions avec leur conscience... et les diktats de l'occupant.
J'ai vu les deux femmes du film de S. Grall comme les deux visages de la même maîtresse, cette littérature qui peut mener un écrivain à la rigueur par la probité et un engagement motivé par le besoin de justice mais qui peut aussi lui faire prendre la voie de l'opportunisme dans l'espoir d'une gloire rapide au détriment de sa conscience.
Le môme intelligent et sensible est de la génération de chercheurs et de philosophes qui questionneront leurs pères à partir des années 60 et s'efforceront de comprendre les rapports complexes entre la création et l'histoire.
Avez-vous vu ce téléfilm et qu'en pensez-vous ?
Amicalement,
René Claude |