Bonsoir,

Le "Journal de guerre" de Paul Struye est tout simplement passionnant... pour les Belges certainement. Les notes, prises au jour le jour, en disent plus sur les années de guerre que nombre d'ouvrages savants. Ce sont des impressions, des réflexions, des traits tendres ou acerbes, etc... sur les grands de ce monde que côtoyait l'avocat, le conseiller des notables du gouvernement, le rédacteur en chef de "La Libre Belgique" clandestine.... le résistant aussi.
En début de lecture, on pourrait regretter le style télégraphique de notes prises au vol. Rapidement cependant on se laisse imprégner par la véracité paradoxalement subjective de l'écriture jusqu'à se croire ballotté dans un tramway bruxellois là où Paul Struye couche l'une ou l'autre réflexion sur son cahier.

Je me suis amusé à relever (pour le plaisir de chacun peut-être), quelques mentions, au début du conflit, se rapportant au général rebelle... vu par un Belge, remarquable observateur des soubresauts qui déchirent l'Europe.

- 1ère mention , le 18 juin 1940, 22 h.

*** Le général Degaule parlant de Londres fait appel à résistance française. ***

De Gaulle est encore un inconnu mais son appel a été entendu. (Le nom du général est en caractères gras, par mes soins, pour marquer l'évolution de l'orthographe du nom.

- 19 juin, 21h.

*** "Radio-France" désavoue appel général Degaulle. ***

- 23 juin:

*** Londres diffuse nouveau discours général Degaulle faisant appel aux Français pour continuer lutte côtés Angleterre. Churchill fait de même hier soir. Capitulation française ressemble beaucoup à trahison vis-à-vis Angleterre et autres Alliés. Et c'étaient ces gaillards-là qui parlaient du "Roi félon". ***

- 20h.30 *** Pétain d'une voix cassée proteste contre les paroles de "Mon­sieur Churchill". La France est seule juge de son honneur. Ces polémi­ques entre alliés d'hier sont navrantes. L'argumentation du vieux Maréchal est d'ailleurs très faible. Radio-Paris annonce que le général Degaulle est destitué de son grade. Soit. Mais pénible d'afficher ainsi les dissidences intes­tines. Après tout, le patriotisme de ce dissident est incontesta­ble. Si l'Angleterre devait vaincre, on le remerciera un jour.***

- 23 h. *** Radio-Londres. Degaulle annonce constitution d'un Comité national français qui poursuivra la lutte et que l'Angleterre reconnaîtra com­me seul gouvernement français.***

28 juin, 23 h.

*** Radio-Londres annonce que général Degaulle reconnu par gouvernement britannique comme chef des Français libres. Mais qui donc lui obéit? Même en Syrie et au Maroc, où l'on avait espéré que subsisterait la résistance, les généraux français acceptent la cessation des hostilités. ***

8 juillet:

*** La radio française et les hommes politiques français tiennent aujourd'hui le langage du "traître de Stuttgart" du début de la guerre. Guerre anglaise, France a été à remorque Angleterre, Anglais cause tous les maux! Pétain devenu Ferdonnet. On aura tout vu.
De Gaulle se tire assez élégamment d'un pas difficile en commentant la bataille d'Oran dans un sens défavorable aux Anglais ("qui ont mené là un combat peu glorieux") et au gouvernement français. ***

Et voilà! Le 8 juillet 1940, Paul Struye orthographie enfin correctement le nom du général. Pas pour longtemps. Les jours suivants, Struye s'emmêlera à nouveau les crayons. Il faudra encore attendre quelques semaines avant que le général de Gaulle acquière identité, légitimité et notoriété grandissante.

Si des lecteurs sont intéressés par ce florilège de petites notes à propos de De Gaulle, qu'ils aient l'audace de le signaler. C'est avec plaisir que je poursuivrai le relevé.

Bien cordialement,
Francis.