Toujours à propos des éditions du Cheval Ailé, malgré quelques succès obtenus grâce aux mémoires et autres plaidoyers pro domo de vichystes et de collaborateurs exilés en Suisse, Constant Bourquin gère mal les éditions. Les chercheurs parlent de "l'indélicat Bourquin", ce qui sous-entend des malversations et autres petites escroqueries. Eté 48 : le directeur quitte la Suisse pour Tanger où il tente de relancer une maison d'édition...
Restent 40 titres et des dettes.
Pilet-Golaz met ses bonnes relations bancaires sous pression, secoue ses réseaux, en vain. Le Cheval Ailé est sur le flanc.
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Bourquin et Genoud étaient étroitement et légitimement surveillés par l'ambassade de France à Berne qui demanda plusieurs fois aux autorités helvétiques d'intervenir en bloquant les colis aux douanes ainsi qu'à son ministre de tutelle à Paris. Mais si les Affaires étrangères soutenaient leur ambassadeur (Henri Hoppenot avait succédé à ... Paul Morand le 10 avril 1945.), le ministère de l'Economie agitait le risque d'une violation des accords franco-suisses dans le cas où les livres du Cheval Ailés resteraient bloqués en douane. Quant aux Suisses, et bien, as usual, ils se rangèrent du côté du plus fort. Bourquin et Genoud purent ainsi écouler sans trop de problèmes leur littérature nostalgico-revancharde et les journaux de dirigeants nazis et de fascistes européens.
En occupant le poste d'ambassadeur en Suisse, Henri Hoppenot succéda à l'écrivain célèbre Paul Morand un grand styliste réactionnaire au talent indéniable qui avait épousé une comtesse antisémite forcenée.
Déjà en poste à Londres au moment de la défaite de 40, il avait affirmé sa fidélité à Pétain.
A Berne, l'écrivain-diplomate en quelques mois, à la fin du régime de Pétain, avait réussi à renforcer auprès des officiels helvétiques un a priori déjà détestable à l'encontre du gouvernement provisoire dirigé par Charles de Gaulle et ses ministres et ambassadeurs.
Quand Hoppenot s'installe à Berne, il est peu de dire que les autorités fédérales sont remontées contre sa présence. Selon les auteurs de La province n'est plus la province, les relations étaient plutôt fraîches entre le nouveau gouvernement français et le Conseil fédéral. Mais le nouvel ambassadeur sut s'entourer de deux esprits pertinents et originaux : Henri Guillemin et Romain Gary. Le premier (avril 45) en tant qu'attaché culturel et délégué à la "propagande culturelle", le second (1949) comme premier secrétaire d'ambassade. Ces deux talents polyvalents feront oublier Paul Morand. Si Guillemin s'adapta très vite et pour longtemps, Gary ne conserva pas de son séjour de trois ans à Berne un souvenir agréable. Mais c'est un autre sujet. Cela pour dire que Hoppenot mit le paquet pour restaurer l'ambassade d'un pays libéré et d'un gouvernement républicain.
Cordialement,
RC |