Le général Leclerc estimait qu’il n’était pas possible de s’imposer avec une force de seulement quelques milliers d’ hommes sur un territoire grand comme les 2/3 de la France, qui s’étendait sur 1500 km, qui avait vu augmenter considérablement sa population depuis le début de la colonisation ( probablement moins de 8 millions d’habitants vers 1860/1880 pour atteindre environ 25 millions en 1945). Ainsi la reconquête du Tonkin d’où nous avions été chassés administrativement et militairement par le coup de force japonais du 9 mars 1945 et que nous avions entreprise justement en 46 avec Leclerc, n’avait été que très parcellaire. Il a fallu attendre le 7 octobre 1947 pour reprendre pied sur la Route coloniale N° 4 au nord de Langson. Et à la suite de cette dernière étape de notre retour, il restait une superficie considérable de la rive gauche du fleuve rouge que nous n’avions pas réoccupée (sauf quelques incursions de paras rares et courtes) :
-Tout le moyen pays à l’ouest de la “route coloniale N° 3 ” elle-même reprise dans sa moitié nord seulement.
-Tout le pays drainé par la route coloniale N° 2.
- Nous n’avions pas remis les pieds non plus dans la partie nord de l’Annam autour de Vinh.
-Quant au Delta, pouvions-nous dire que nous y étions maîtres.
Leclerc avait prévu tout cela et en avait tiré en toute logique que si la solution du devenir de notre ancienne colonie n’était pas militaire, elle était donc politique.
Quant à D’Argenlieu, homme de religion, il avait dans son fort intérieur, comme l’a montré la suite des évènements quand il a déclaré de sa propre autorité la Cochinchine indépendante, la secrète intention, que ce soit pour la préserver ou non du communisme, de réserver une portion de territoire qui resterait un pied à terre pour les missions catholiques traditionnellement implantées dans ce pays depuis 3 siècles.
De Gaulle, avant son départ en janvier 46, avait confié à D’Argenlieu et à Leclerc des missions floues pour la simple raison qu’il ignorait tout de l’Indochine mais il avait pris la précaution d’assujettir Leclerc chef militaire au Haut-Commisaire D’Argenlieu car il se méfiait de ce chef militaire jeune et impétueux aux décisions radicales.
Et pourtant si Leclerc avait été nommé à la fois Haut-commissaire et Commandant en chef, la guerre d’Indochine n’aurait peut-être pas eu lieu. |