Bonsoir a tous et à toutes,
Voici un extrait de '' Souvenirs provisoires '' de Jean-Pierre Aumont. Cet extrait, page 91 et 92, est tiré d'un livre de Jacques Borgé et de Nicolas Viasnoff, intitulé '' La Jeep en 300 histoires et 150 photos '' paru en 1974 chez Balland.
L'acteur Jean-Pierre Aumont: Mes souvenirs de jeep.
......Avec le général Brosset.
Sur les routes avec le général Brosset, de 6 heures du matin à 10 heures du soir, de brigade en brigade, de compagnie en compagnie, en liaison, en reconnaissance, des postes de secours aux batteries d'artilerie, des observatoires aux avant-postes, et devant les avant-postes.
Il est partout, il court partout. Il empoigne sa jeep comme une monture éprouvée, la flatte d'un ou deux petits mots affectueux, et hop, il fonce. sa sirène fait lever devant nous soldats terrifiés et foules apeurées. Il vole sur la route, en dehors de la route, dans les champs, dans les vignes, saute les fossés comme le cavalier les obstacles, jouit du danger, se cabre, jongle à travers les autres véhicules, et, à cent à l'heure, s'écrie en lâchant le volant: - ça, c'est un outil pour moi. sentez-vous cette souplesse, cette force. Ah! cette jeep! J'en connais toutes les réactions, je la maîtrise comme une femme. Vingt ans, Aumont, j'ai vingt ans!-
Il stoppe pile à un P.C., commence à lire un rapport, s'arrête aussitôt parce que ça l'ennuie, jette un coup d'oeuil sur la carte, monte une offensive en deux minutes, enfourche à nouveau sa jeep, et démarre en un tourbillon sans se soucier de savoir si son chauffeur Pico et moi avons eu le temps de sauter en marche.......
....La mort du général Brosset
- Méfiez vous, mon général, la jeep déporte à gauche quand on freine.
Il ne répondit pas. Nous partîmes comme une flèche. Nous arrivâmes, à cent à l'heure, au pont où le matin nous nous étions arrêtés. Je criai: « Attention, le pont est miné! »
Le général freina, la voiture dérapa, hésita, culbuta dans la rivière.
Je me souviens du reste comme on se souvient d'un cauchemar, avec des points précis et d'autres vagues. Je me revois au fond du torrent, prisonnier sous la jeep et sous l'eau. A tâtons, j'essayais de me dégager. Je n'y arrivais pas. Le souffle commençait à me manquer: « Il faut tenir bon, ne pas respirer. Je vais m'évanouir, mais on nous sauvera. Il n'est pas possible qu'on ne nous sauve pas. »
Au moment où je suffoquais, je remarquai que mes pieds pouvaient bouger. a reculons, je me glissai entre ce qui était sans doute les barres en forme de triangle qui supportaient la capote. J'arrivai à la surface en hoquetant, le courant était rapide, mais des mains m'agrippèrent, me hissèrent sur la berge. Je me vois hurlant:
- Le général, où est le général?
J'entends des hommes me répondre:
- Vous en faites pas, tout va bien, ne vous occupez de rien. Je réalisai bientôt qu'ils mentaient, que le chauffeur était bien là, saignant sur le bord de la route, mais que le général n'y était pas. Des hommes du génie fouillaient l'eau tant bien que mal à sa recherche. Ils avaient réussi à attacher un câble au pare-chocs et la voiture, maintenant, émergeait. Une seconde, je vis le général, raide, immobile à son volant. Puis il bascula, et fut emporté par le torrent. Nous courûmes en aval, cependant que je criais à un motard: « Un docteur, allez chercher un docteur! » tant j'étais sur que nous le rattraperions, et qu'avec des tractions rythmiques on pourrait le réanimer. Plus bas, en effet, d'autres hommes du génie et du D.C.R., faisaient la chaine, arrivèrent à agripper le corps du général, mais le courant était si violent qu'il leur glissa entre les doigts.
Il disparut dans les remous......
Voilà on ne parle peut-être pas du père de Frédérique Leon, mais comme il m'a semblé qu'elle s'intéressait également aux mémoires de JP Aumont, il m'a semblé que cela pouvait lui être utile.
Et oui, on est comme cela nous, sur Livres de Guerre
Bien amicalement
Prosper |