Fernand de Brinon, le plus collaborationniste des collaborationnistes, se distingue déjà bien avant la guerre comme un fervent partisan du rapprochement entre le Reich et la France pour contrer la menace soviétique. A la tête du Comité franco-allemand, il séjourne régulièrement en Allemagne où il noue des relations d'amitié avec Abetz, Ribbentrop, Goering... Il s'entretient également avec Hitler auquel il voue une grande admiration.
En 1940, Pétain fait appel à lui et le nomme "Délégué général de Vichy en territoire occupé" avec titre d'ambassadeur et donc troisième personnage de l'Etat après Pétain et son président du Conseil. A ce poste, Fernand de Brinon est l'intermédiaire obligé entre les autorités du Reich et Vichy. A ce titre, les
"Mémoires" dévoilent maints aspects peu ragoûtants de la politique de Vichy.
Fernand de Brinon avait l'habitude, après chaque évènement important, de dicter ses impressions à Simone Mittre, sa fidèle secrétaire et maîtresse.
*** Les pages qui suivent, et qui ne représentent qu'une partie des manuscrits, ne sont pas à proprement parler des "Mémoires". A ce travail, Fernand de Brinon comptait se consacrer totalement la paix venue. Ce sont des notes, écrites sans aucun souci littéraire, mais en toute objectivité. Elles furent rédigées par lui afin de servir de base à son travail futur. Ce sont aussi des Souvenirs qu'il me dictait à ses retours de Vichy, après chaque événement important. Ces notes et ces souvenirs furent ensuite complétés par lui à l'hôpital pénitentier de Nanterre quelques mois avant son jugement. Il m'en remettait alors, par petits paquets, les feuillets terminés, au "parloir" du vendredi où j'allais le voir régulièrement. Deux fois opéré durant sa détention, ce n'est, en effet, qu'en retrouvant un peu de ses forces qu'il s'était décidé à continuer ce travail, poussé par le besoin "d'expliquer et d'informer" qui fut le but de sa carrière de journaliste. Les dernières pages furent naturellement écrites à Fresnes. ***
(Simone Mittre en prologue à l'ouvrage).
Contrairement aux "écrits" d'autres notables de Vichy qui rédigèrent leurs "Mémoires" édulcorés après la Libération, les notes de Fernand de Brinon décrivent à quel point le régime était dévoyé : un régime constamment à la recherche d'une collaboration avec les Allemands, un régime prêt à toutes les concessions pour tenter d'arracher une place honorable pour la France dans une nouvelle Europe nazifiée. L'ouvrage est aussi la description des incessants conflits entre les prétendants à la cour du Maréchal, la valse des ministres, les intrigues en coulisses, ... L'ouvrage est également le portrait d'un Pétain souvent dépassé par les évènements, sous l'influence de son entourage: ministres, conseillers, son médecin... et même Madame la Maréchale... qui détestait Laval. Mais aussi ! Quelques hommes "blanchis" après 1942 n'en sortent pas grandis.
Petite remarque: avant d'entamer la lecture du livre et pour situer les "souvenirs" dans leur contexte historique, il est utile de se munir d'une chronologie des évènements car les notes sont rarement datées.
Francis Deleu.