Au moment où le débat sur l'attitude possible des Alliés, des neutres et du Vatican face à la destruction des juifs d'Europe rebondit sur Livres de Guerre et ailleurs, j'ai pensé que l'étude-biographie de Theo Tschuy pourrait être une référence utile.
En effet, la question demeure :
Que pouvait-on faire, à son niveau et selon ses moyens, de l'extérieur ou dans les pays occupés par le Reich, pour tenter d'enrayer le processus et sauver le plus grand nombre possible de civils condamnés par les nazis ?
Carl Lutz (1895-1975) était en poste avec sa femme(*) au consulat suisse de Budapest depuis 1942 quand l'armée allemande et les SS envahirent la Hongrie.(**)
Cette biographie très fouillée raconte comment Carl Lutz (...) a bravé les usages et les règles diplomatiques en délivrant des sauf-conduits à des dizaines de milliers de juifs hongrois destinés aux camps d'extermination. Au péril de sa vie, (note perso : ce n'est pas une figure de style !)
Lutz a tenu tête à des adversaires aussi dangereux qu'Edmund Veesenmayer, proconsul d'Hitler en Hongrie, Adolf Eichmann, les escadrons SS, les gendarmes hongrois et les bandes des Croix-Fléchées.
Chose incroyable, le monde oublia presque complètement Lutz après la guerre. Son propre gouvernement le réprimanda formellement pour avoir outrepassé ses compétences. Cependant Yad Vashem le reconnut, lui et sa première femme, Gertrud, parmi les premiers "Justes".
(4e de couv.)
On ne s'étonnera pas de l'"oubli" durant un demi-siècle par la Suisse officielle de l'action du consul; le souvenir de son action risquait de réveiller la mauvaise conscience de ses contemporains alors en charge des réfugiés dans l'Europe en guerre.
Cet homme et sa compagne incarnent l'"esprit de résistance" à la barbarie en démontrant qu'il était possible de faire quelque chose en sortant du neutralisme diplomatique mâtiné d'opportunisme politico-économique qui fut souvent synonyme de lâcheté.
RC
(*) Je le précise, car cette femme admirable s'est engagée sans hésiter et sans songer aux conséquences possibles sur la carrière de son époux et donc sur son mode de vie dès les premières persécutions antijuives. Elle a ouvert les portes du consulat aux civils traqués et a organisé la résistance en vue de sauver le plus de monde possible.
(**) Comme d'autres légations de pays neutres durant la Seconde guerre mondiale dans les pays occupés, Carl Lutz avait en charge la représentation des intérêts en Hongrie de certaines puissances alliées. (Etats-Unis, etc...). Ce cahier des charges élargi lui fournit des possibilités pour augmenter les moyens de sauvetage.