
Digitaline et revolver... Le dimanche 4 décembre 1994, Roger Stéphane choisissait de mettre un terme à une existence remarquable. Le naufrage de la vieillesse lui était insupportable.
Comme souvent après la disparition brutale d'une personnalité singulière, le monde des
gendelettes et celui de la politique se souvinrent de lui, un peu tard !
Passeur inlassable, dandy vibrionnant, conseiller subtil, amoureux de la conversation, cet art français par excellence, ce grand vivant-viveur qui rêvait d'aventures sut en initier quelques unes dans un siècle violent.
Il fut résistant dès 1941. Dans les prisons vichystes, il rencontra le docteur Martin, cagoulard et comploteur permanent, avec lequel il sut sympathiser, malgré les profondes divergences idéologiques. Stéphane était un passionné de littérature - il prit la défense d'auteurs proscrits, cherchant toujours à comprendre l'homme pour l'excuser. Toute sa vie, il fut hanté par les trajectoires d'un Malraux et d'un Lawrence. Il eut deux regrets : la guerre d'Espagne qu'il aurait voulu faire dans les brigades internationales et l'épopée de la France libre dont il interrogea inlassablement les survivants. Il fut aussi un gaulliste sourcilleux et un anticolonaliste militant. Homosexuel assumé en un temps où il n'était pas facile de l'affirmer, il devint journaliste et chroniqueur à la curiosité insatiable. Il créa des réseaux d'amitiés (écrivains, hommes politiques, militaires, cinéastes,...)qui lui furent utiles quand il co-fonda
L'Observateur.
Dans les années 50 et 60, il fut l'"inventeur" de la télé culturelle pour le grand public et trouva encore le temps d'écrire des romans, des essais et des livres de Mémoires.
Initiée au lendemain de sa mort, cette enquête méticuleuse, généreuse et passionnante d'Olivier Philipponnat et Patrick Lienhardt est une remarquable biographie littéraire et politique. Elle nous permet de (re)découvrir la vie, les engagements, les errances aussi d'un homme multiple qui avait choisi de vivre son siècle à fond.
Bien cordialement,
René Claude