*** Quand, au cours de l'été de 1941,
l'auteur clandestin du "Silence de la mer" entreprit ce récit dans le secret,
pensait-il écrire autre chose qu'une oeuvre de circonstance? S'il pouvait bien
imaginer que, jaillissant de la France occupée par l'ennemi, opprimée par la
tyrannie policière de Vichy, cette oeuvre provoquerait, à l'étranger plus encore
que sur son même, une surprise et un soulagement, peut-être une fierté,
pouvait-il supposer qu'elle serait universellement tenue pour une oeuvre de
première valeur (...) Oeuvre de circonstance pourtant - puisque, écrite dans les
premiers mois de l'occupation, à une époque où grande encore était, même pour
des esprits avertis, la tentation de s'entendre avec un vainqueur au gant de
velours, elle avait un but parfaitement précis: montrer aux hésitants que le
meilleur des Allemands possibles était lui-même une dupe ou une victime. (...)
***
(4e page de couverture de l'édition "Livre
de Poche" , 1959)
"Le Silence de la mer" est le récit d'une rencontre forcée,
durant l'hiver 1941, entre un officier allemand et deux Français - une jeune
femme et son oncle - obligés de l'héberger. Chaque soir, avec élégance et
courtoisie, l'officier allemand s'adresse à ses hôtes et tente d'entamer un
dialogue impossible. Jamais il n'obtiendra le moindre écho à ses paroles.
L'auteur, Jean Bruller, alias Vercors, résistant pendant
l'occupation, est le fondateur, en compagnie de Pierre Lescure, des "Editions de
Minuit". Le "Silence de la Mer" est le premier titre clandestin a y être publié.
Une vingtaine d'autres suivront comme autant de preuves de la résistance
intellectuelle.
Francis Deleu.