
En 1991, Serge Klarsfeld découvre dans les archives du Secrétariat d'Etat aux Anciens Combattants ce qui semble être le fichier de la Préfecture de Police de Paris [*]. Ce fichier aurait été constitué, entre le 3 et le 19 octobre 1940, dans le cadre du recensement imposé à tous les Juifs domiciliés dans le département de la Seine.
A la suite de cette découverte, Annette Kahn, journaliste à l'hebdomadaire "
Le Point", se livre à une minutieuse enquête sur le rôle de l'administration française pendant l'Occupation : les recensements, la traque et les rafles, la "disparition" ou la destruction, après la Libération, des archives compromettantes et enfin, au coeur de l'ouvrage, la polémique incompréhensible autour de la conservation et de l'accès au fichier.
Serge Klarsfeld en préface du livre :
*** Premier ouvrage sur ce sujet épineux, le livre d'Annette Kahn vient à son heure pour faire le point sur une ténébreuse affaire mettant en cause la façon dont notre pays assume une des pages les plus noires de son histoire.
Un monstre de papier, qui fut la nécessaire arme du crime, a disparu, englouti par le temps, l'oubli des uns, la dissimulation des autres, enfoui au plus profond d'un loch Ness bureaucratique. Il a réapparu, métamorphosé par le passage du temps, en indispensable instrument de notre mémoire. (...)
Annette Kahn relate avec précision tous les aspects de l'histoire de ce fichier et de son destin qui est encore en train de se jouer. L'émotion que suscite son enquête et tous les souvenirs qu'elle éveille, le sérieux de ses investigations, l'intérêt des révélations qu'elle apporte, les témoignages qu'elle a recueillis sont de précieux éléments pour que le lecteur se forge lui-même son propre jugement. Non seulement cette affaire reflète l'antisémitisme de la période de l'Occupation, mais elle montre aussi la complexité des rapports des pouvoirs publics avec la communauté juive depuis la Libération. ***
L'affaire du "fichier de la Préfecture" montre aussi l'inertie - pour ne pas dire la mauvaise volonté - d'une administration prompte à occulter une page noire de son histoire sous l'Occupation en effaçant les traces des archives sensibles.
C'est un devoir de la République que de perpétuer la mémoire des évènements qui se déroulèrent dans notre pays entre 1940 et 1945.
La recherche historique est, à cet égard, essentielle.
Les travaux et les publications des chercheurs constituent une arme efficace pour lutter contre l'oubli, les déformations de l'histoire et l'altération de la mémoire.
Ils contribuent ainsi à ce que le souvenir conservé de cette période soit vivace et fidèle.
Pour que de telles recherches puissent être menées, il faut que leurs auteurs disposent d'un accès facile aux archives qui concernent la période (Lionel Jospin)
ou encore :
Vieille nation dont les siècles ont façonné l’identité, la France a une histoire riche de moments de lumière et de fierté : nous devons en cultiver le souvenir.
Mais cette histoire comporte aussi ses parts d’ombre : rien ne sert, à mon sens, de tenter de les occulter.
Il n’y a, face au passé, qu’une attitude qui vaille : la lucidité.
Ma conviction est que, loin d’avoir à le redouter, notre Nation sort renforcée de l’examen serein de son passé.
Pour moi, la recherche de la vérité n’est pas une repentance.
C’est cette conviction qui a guidé l’action de mon gouvernement.
[*] NB. L'ouvrage a été publié en 1993. Entretemps, il a été admis que le fichier original de la Préfecture de police aurait été détruit. Les fiches exhumées par Klarsfeld seraient probablement des copies issues du fichier primaire.
TABLE DES MATIERES.
Préface de Serge Klarsfeld.
1. La découverte.
2. Le renoncement.
3. Le fichier Tulard.
4. Mai 1941 : la première rafle.
5. Août 1941 : la deuxième rafle.
6. Décembre 1941 : la troisième rafle.
7. Juillet 1942 : la rafle du Vel d'Hiv.
8. Libération : des archives bien compromettantes.
9. Le fichier exhumé.
10. Le mystère et les silences.
11. Un fichier bien gênant.
12. 1980 : la CNIL entre en scène.
13. La parole est au juge.
14. L'étouffoir.
15. Le fichier joue son avenir.
16.Les historiens s'interrogent.
Francis Deleu.