Bonsoir,
Puisqu'une fois encore les blanchisseurs d'attentistes de l'armée d'armistice cherchent à réviser l'histoire de manière à y réintégrer leurs préférés en créant des amalgames de dates, de lieux et de théâtre d'opérations, injuriant par de continuelles insinuations la mémoire des survivants de la France Libre, je me suis dit qu'il était peut-être utile de réactiver le fil consacré à l'excellente étude de Jean-Louis Crémieux-Brilhac.
Pour répondre à ceux qui prétendent aussi que l'état d'acteur-témoin ne garantit pas assez la distance historienne suffisante - je n'emploie jamais le mot "objectivité" en Histoire - j'ai relevé cette réflexion de Crémieux-Brilhac dans son introduction :
"L'entreprise comportait des risques. Je ne les ignore pas. Pierre Nora les avait énoncés lors des rencontres internationales de 1990 sur "De Gaulle en son siècle". Quand les faits ont pour héros un grand homme qu'entoure une aura mystique, le partage entre mémoire et histoire est difficile à gérer. Il l'est plus que pour tout autre dans le cas de De Gaulle, qui a idéalisé au jour le jour, puis synthétisé dans ses "Mémoires" une histoire mythique de la France Libre que la postérité a avalisée. (...) Mais, n'en déplaise à Nora, l'historien témoin a un avantage sur le pur manieur d'archives : le fait d'avoir vécu cette histoire et d'en avoir connu les acteurs lui donne une sensibilité particulière à ce que dissimule l'événementiel, en même temps que le souvenir irremplaçable de la tonalité des choses.
Cela étant, je me suis imposé de "rétablir cette distance critique qui est la règle d'or de l'historien".
L'auteur termine son introduction par ces mots :
"L'histoire revisitée de la France Libre aide à coprendre les soubresauts ultérieurs de la décolonisation.
Loin d'être une simple parenthèse dans notre histoire, elle préfigure comme en filigrane en outre, à travers l'union nationale proviosirement reconstituée, les conflits politiques intenses des vingt ou vingt-cinq années suivantes : aussi bien la crise de régime que l'opposition et la compétition entre le gaullisme politique et un parti communiste dont nous découvrons qu'il n'a cessé, pendant toute la guerre, d'être piloté par Moscou.
Elle conduit enfin à s'interroger sur le pouvoir de l'utopie rationnelle en histoire. La France Libre était-elle vraiment "la France", comme l'affirmait hardiment de Gaulle ? Comment et quand les Français de l'"intérieur" se sont-ils reconnus en elle ? Les deux questions n'ont pas perdu de leur actualité.
Voilà la pensée d'une honnête homme qui est aussi l'un des chercheurs parmi les plus honnêtes de la France Libre. Il nous démontre que l'on peut avoir été l'un de ces hommes "qui ont vu des étoiles en plein midi" (Lacouture, "De Gaulle"), l'un de ceux qui crurent en quelque chose à l'été 1940, tout en étant capable de prendre la nécessaire distance historienne pour l'analyser lucidement un demi-siècle plus tard. Cela pour répondre à des cuistres qui récemment encore se croyaient spirituels en se moquant des passionnés d'Histoire qui croient encore en quelque chose.
Bien cordialement,
Ren Claude |