Bonjour !
1. Puis-je avouer qu'il y a, dans mon esprit, une certaine incertitude en ce qui concerne la plan et/ou l'opération Caïman ?
a. Dans mon souvenir, il y avait un "plan Caïman" qui avait été élaboré, avec d'autres, bien avant le débarquement de Normandie, pour la mise en action des FFI en vue d'aider les troupes alliées en gênant les troupes d'occupation.
Ce plan valait en principe pour toute la France.
De Gaulle en parle, sauf erreur, dans ses "Mémoires de guerre", mais je n'ai pas le livre sous la main.
b. D'autre part, il est question d'un plan ou d'une opération Caïman, qui semble avoir été, sinon conçue(e), du moins préparé(e) après le débarquement de Normandie et n'avoir concerné que le Massif central.
Quelle est donc l'articulation entre l'un et l'autre de ces homonymes ?
2. Vient ensuite le problème de l'abandon de cette opération Caïman pour le Massif central.
Curieusement, Raymond Aubrac ne semble avoir aucune idée sur le sujet. Voici en effet ce qu'il déclarait lors d'un colloque célébrant le 50e anniversaire du débarquement de Provence :
"Commissaire de la République Raymond AUBRAC
Je voudrais profiter de la présence de très savants historiens ici, pour poser une question que je me pose moi-même depuis cinquante ans. Avant d’être envoyé par le général de Gaulle comme commissaire de la République en Provence, j’avais été envoyé à Londres pour travailler avec un état-major mixte, franco-anglais, qui préparait l’opération Caïman. L’opération Caïman qui avait été proposée, je crois, par nos amis de l’ORA. Tout à coup cette opération a été annulée. Je ne pense pas que cela a une grande importance stratégique, mais sait-on maintenant pourquoi cette opération a été annulée ?"
source :
Il est étonnant que, travaillant avec l'état-major qui préparait l'opération, il ne sache absolument pas les raisons de cet abandon.
Les réponses qui lui furent données sont plutôt floues :
"Général Jean DELMAS
C’était un petit peu utopique, et de toute façon ça s’est révélé totalement utopique, faute d’aucun moyen de transport pour réaliser cette opération. C’est l’impression que j’ai.
Un témoin
Caïman, c’est effectivement une division dans le centre de la France et moi, j’ai organisé effectivement un an avant le débarquement du 6 juin, toute une opération au centre de la France, dans la région d’Aurillac. On avait déjà envisagé de renforcer cette partie du centre du Massif Central, de façon à ce que les douze divisions qui étaient entre Bordeaux et Toulouse puissent retarder leur départ vers le lieu de débarquement du fameux 6 juin. Et effectivement il pouvait intervenir dans le Sud de la France, à Bayonne - et Churchill aussi pensait que ce débarquement pouvait avoir lieu à Bayonne - et à Sète aussi nous avons organisé, pour tromper les Allemands, des opérations de parachutage de façon à ce qu’ils croient qu’il y aurait des débarquements. Pour l’opération Caïman si vous voulez, je pense que ce réduit du centre de la France a été beaucoup plus efficace que celui de Grenoble ou du Jura et qu’effectivement, là on a retardé les dix ou douze divisions pour aller vers Overlord de dix-sept jours au lieu de trois jours pour agir sur Overlord.."
La réponse du témoin anonyme, qui n'est pas d'une clarté éblouissante, semble indiquer qu'il y a tout de même eu une opération Caïman, mais ses déclarations posent plus de questions qu'elles ne lèvent de doutes.
On peut cependant remarquer que les choses s'éclairent un peu si l'on suppose (mais est-ce correct ?) qu'il parle en fait du plan Caïman "global"(cf. 1a ci-dessus).
Sur le site de l'Ordre de la Libération, dans la biographie du général Pierre Billotte, on lit :
"Début juillet 1944, le général de Gaulle lui confie le commandement de la force expéditionnaire C destinée à être parachutée, à la mi-août, sur le Massif Central pour y mettre en oeuvre le plan "Caïman". Il s'agit d'aider la résistance intérieure par un largage massif de troupes aéroportées et d'officiers chargés d'encadrer et de commander les FFI du centre de la France. Par suite du refus américain, l'opération est annulée."
source :
C'est un peu plus clair et le manque de moyens de transport auquel fait référence le général Delmas pourrait correspondre au refus des Etats-uniens de les fournir.
Sur le fond, cependant, cela ne fait que déplacer la question : pour quelle raison les Etats-uniens ont-ils opposé leur refus à cette opération ?
3. On remarquera enfin que, dans la "bio" du général Billotte, l'abandon du plan est daté de la mi-août, alors que Raymond Aubrac semble la dater, lui, de la mi-juillet.
Merci à tous ceux qui pourront apporter des lueurs sur les points ci-dessus.
Cordialement
Srdjan