Le dossier sur la défaite de 1940 prétend tenir compte des avancées récentes de la recherche en pourfendant, à partir d’ouvrages publiés depuis 1990 environ, un certain nombre de mythes (par exemple, la Cinquième colonne, la trahison des élites, l’incompétence des généraux, les sabotages communistes) au profit du “patient dévidage des causes enchevêtrées”, pour citer l’édito de Jean Lopez.
D’où une impression de déjà lu… et ce dans des ouvrages parfois fort antérieurs à 1990.
Plusieurs auteurs déplorent qu’il n’y ait pas eu, sur ce sujet, de “révolution paxtonienne”. Misère, que serait-ce alors ?! La France de Vichy de Robert Paxton (1972) avait pour défaut principal d’ignorer quasiment l’existence de l’Allemagne, du moins dans les motivations de Vichy, et les disciples du maître américain ont souvent redoublé d’ignorance à cet égard.
Il en va de même ici : les facteurs de la défaite sont certes enchevêtrés à souhait, mais essentiellement français et, quand ils passent une frontière, elle est faite surtout d’eau salée -un zeste de Grande-Bretagne, un chouïa d’Etats-Unis. Que vise et que fait l’Allemagne ? La question ne sera pas posée.
Ah, tout de même, à la fin de l’article princeps de Nicolas Aubin, on trouve une première critique, dans ce magazine (à moins qu’une autre m’ait échappé, je suis preneur d’un rectificatif), du très mauvais livre (sur ce sujet : les causes de la défaite) de Karl-Heinz Frieser, Blitzkrieg-Legende (1995), qui depuis un quart de siècle jouait justement un peu, en la matière, le rôle de Paxton : celui du regard étranger censé déniaiser les historiens français. Mais en fait de critique il s’agit plutôt d’une égratignure : ce “bel ouvrage” est censé “idéaliser l’armée française pour mieux valoriser la victoire allemande”.
La cause certes point unique, mais principale, de la défaite, est l’excellence du coup allemand. Faudra-t-il dix années de plus pour qu’on s’en rende compte ? |