Arnaud Teyssier est un historien et un biographe qui s'est frotté à quelques uns des "grands formats" de l'histoire de France pour tenter "d'élucider les rapports entre Etat et société en France à travers les siècles." Après Péguy, Lyautey, Richelieu et Philippe Seguin, il traite de De Gaulle en 1969 dans un essai sous-titré "L'autre révolution" que publie Perrin.
Généralement décrite comme l'année crépusculaire du destin fabuleux du Connétable par ses proches, ses ministres et les plumes de Malraux ou de Mauriac, Arnaud Teyssier soutient qu'il n'en fut rien, bien au contraire. Depuis le milieu des années 60, le fondateur de la Ve République travaillait à un projet ambitieux de réforme profonde de la société française* qui se heurta au mouvement de mai 68 et finit par être liquidé par les gaullistes. Le chercheur écrit :
En 1969, de Gaulle a en particulier le sentiment, la conviction même, que les institutions restent faibles, mal assurées, ou du moins qu'elles sont exposées à de puissants risques de déstabilisation. C'est un réformateur inlassable. S'il a pu ressentir, par moments, de la mélancolie en ses derniers jours, c'est moins par nostalgie du pouvoir ou devant l'ingratitude du peuple que par l'angoisse d'un travail inachevé : il a l'oeil rivé sur ce "terme" qui doit former le dernier tome des Mémoires d'espoir et qu'il n'atteindra jamais. Et sur les reniements qu'il perçoit déjà dans son propre entourage, chez ceux qui ne lui pardonneront jamais son autorité naturelle et écrasante : ceux qui "poussaient à la roue", ou ont décidé de "laisser faire". Ceux qui ont renoncé à gouverner vraiment alors qu'il leur en a donné tous les moyens. De Gaulle au pouvoir avait perçu plusieurs évolutions qui se dessinaient : une construction européenne erratique - Une Europe trop étriquée et trop envahissante à la fois, s'édifiant par le marché et par la seule économie financière, à l'insu des peuples et sans vision politique -, une décentralisation anarchique - qui saperait les bases de l'énergie publique et de la cohésion nationale -, et un capitalisme déshumanisé.
"De Gaulle, 1969" est un essai historique, biographique et politique remarquable en résonance avec le printemps des peuples qu'une partie de l'élite dévoyée croit pouvoir discréditer sous l'appellation de "populisme".
Bien cordialement
RC
* Inspiré en partie par les débats politiques du CNR.
PS : Arnaud Teyssier a été invité à parler de son travail à la Fondation Charles de Gaulle lundi 27 mai 2019.