Bonjour,
Page 67 de son essai, Pierre Miquel écrit :
"La dernière étape de l'exode n'a pas de quoi réjouir le Führer, qui n'éprouve aucun désir de changer les régimes existants de l'Europe occupée, pourvu qu'ils acceptent la domination absolue du Reich. Peu lui chaut que Pétain au gouvernement, doté déjà de pouvoirs exceptionnels, change ou maintienne la Constitution républicaine. Au contraire : un changement de régime risque de susciter des troubles en France qu'il ne tient pas à juguler. Aussi est-il surpris de la dernière phase de l'exode, celle qui pousse, à l'injonction de Laval ministre de l'Intérieur, les parlementaires français à rejoindre Vichy pour y sanctionner, le 10 juillet, le suicide de la République."
Cette thèse est intéressante, mais j'aurais voulu savoir si elle était confirmée ou alors infirmée par d'autres chercheurs ayant planché sur les projets d'Hitler pour la France vaincue lors de la préparation de ses plans d'agression et des discussions avec Ribbentrop, Abetz, etc. Le dictateur fut-il vraiment surpris de "la dernière phase de l'exode, celle qui pousse (...) au suicide de la République" ?
Si c'est le cas, on pourrait alors estimer que les groupes de pression d'extrême droite, les ligues et les réseaux ultra-réactionnaires de type maurrassien dont des éléments s'installèrent à Vichy pour y former le gouvernement Pétain auraient en quelque sorte, dès le milieu des années 30, préparé ce qui allait mener à la "drôle de guerre", Sedan, l'Exode et l'Armistice... C'est une vision un peu "complotiste" des dernières années de la IIIe République; repose-t-elle sur d'autres éléments convainquants, en dehors de ce que Pierre Miquel énumère dans son tableau de l'avant-mai 40... ?
Note : Dans le beau film de Claude Chabrol, "Une Affaire de femmes", à un moment du procès de l'avorteuse (I. Huppert), un jeune avocat demande à son confrère en montrant un groupe de soldats de la Wehrmacht : "Et si ceux-là n'étaient en fin de compte qu'un prétexte pour permettre aux nouveaux messieurs d'imposer leur société et nous obliger à faire cette sale besogne...?"
La société réactionnaire, raciste et répressive souhaitée par une partie des élites françaises depuis l'affaire Dreyfus (politiciens, patrons, gradés, membres du clergé, fonctionnaires) et instaurée par Pétain et ses ministres en s'appuyant sur les grands corps restés fidèles ne figurait nullement dans les plans d'Hitler et de ses collaborateurs en France occupée. A la limite, il eut préféré un statu quo politique et que l'illusion républicaine fût préservée afin d'éviter tout risque de troubles...
A suivre.
Bien cordialement,
René Claude |