Vous mettez en doute, comme tout historien est bien fondé à le faire, le témoignage de Lahousen sur l'intervention de Canaris auprès de Keitel lors de l'invasion de la Pologne.
Votre argument semble se fonder sur la personalité de Lahousen dont vous mettez en cause, si j'ai bien compris, les liens effectifs avec la resistance allemande.
Les sources dont nous disposons sur les extraits de son journal montrent pourtant bien, sinon la pré-existence de ce témoignage dans ses notes, le sérieux de son engagement dans la resistance au nazisme. De fait l'auteur principal de l'ouvrage qui relate cet engagement est Helmut Groscurth dans
Krausnick, Helmut (Herausgeber), Deutsch, Harald C. (Herausgeber), Groscurth, Helmuth (Autor) Tagebücher eines Abwehroffiziers: 1938 - 1940 Gebundene Ausgabe – 1970
Par ailleurs Lahousen est cité à plusieurs reprises dans l'ouvrage de Gisevius pour son engagement aux côtés de la resistance allemande. L'engagement de Gisevius lui même est confirmé entre autres, par Allen Dulles et se trouve relatée dans son ouvrage
Gisevius, Hans Bernd. To the Bitter End © 1947 Boston – Houghton Mifflin
Dulles, Allen Welsh, Germany's Underground © 1947 New York - MacMillan and Co
Donc si le témoignage de Lahousen, sur l'épisode Canaris/Keitel en bas du train d'hitler lors de l'attaque contre la Pologne apparait bien pour la première fois à Nüremberg, il m'est difficile de vous suivre sur la décrédibilisation de son auteur pour récuser le témoignage lui même
Mettons bien sur en doute n'importe quel témoignage mais acceptons également de mettre en question, dans la même logique, la conviction qui génère ce doute.
Par ailleurs la qualification de "criminel" que certains utilisent pour faire un amalgame entre lui et les SS me semble de nature à induire l'historien sérieux en erreur. En effet, les actions militaires entrainant la mort d'ennemis ne sont pas juridiquement qualifiés comme "criminels".
Lahousen dirigeait au sein de l'Abwehr les opérations de commando et notamment ceux des Brandenburgers. Doit on qualifier de "criminel" ou de nazies les actions de commandos au simple titre qu'elles seraient effectuées par l'ennemi? En le faisant nous condamnerion nos propres actions militaires (notament ceux du SOE et de la resistance française de De Gaulle). Ces Brandenburgers, soldats d'élite particulièrement bien entrainés, après que Lahousen ait été lui même envoyé sur le front de l'Est, seront récupérés par Schellenberg et placés sous les ordres d'Otto Skorzeny en charge des commandos dans le Amt VI du RSHA (dont l'existence tend à prouver en soi que l'Abwehr ne coopérait pas avec les SS)
Donc je pense que ces éléments, entre autres permettent de valider le témoignage de Lahousen à Nuremberg et que ce témoignage à Nüremberg se trouve conforté par un très grand nombre d'éléments factuels et témoignages qui constituent autant de "circumstancial evidence"
Pourquoi Canaris s'est il entouré de personnes comme Bonhoffer sinon pour leur apporter la protection de l'Abwehr, pourquoi a t il fourni au general Ludwig Beck (qui n'était pas n'importe quel général) les éléments de son rapport visant à décourager hitler d'envahir la Czechoslovaquie, pourquoi le meilleur espion des alliés à l'ouest fut il un officer de l'Abwehr (Paul Thümmel), pourquoi introduisit il à la légation tchèque une "amie" à lui qui deviendra avec Gisevius et Waetjen les relais d'information de Rudolf Roessler, purquoi fit il rentrer plusieurs personnalités dans le cercle de Kreisau, pourquoi, s'il n'était pas resistant... ?
Mais nous reviendrons sur Canaris dans LdG quand je pourrai lever les yeux de mon travail sur schellenberg, je l'espère avec votre aide. |